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21/05/2013

Un jour je serai

On ne soupçonne pas toujours la force du verbe qui s'empare d'un esprit et d'une voix. Cette force qui fait chemin, cette force qui fait passion, cette force qui fait vie. Une force qui fait lien dans la nuit, puits de lumière, ciel rendu à l'azur... Parfois, un poète rend la dimension de cette force en une seule oeuvre. Murale de Mahmoud Darwich en est la démonstration. On trouve ce qui suit dès la seconde page, le reste est à l'avenant.

Un jour je serai ce que je veux.

 

Un jour je serai oiseau, et de mon néant,

je puiserai mon existence. Chaque fois

que mes ailes se consument,

je me rapproche de la vérité et je renais des cendres.

Je suis le dialogue des rêveurs.

J'ai renoncé à mon corps et à mon âme

pour accomplir mon premier voyage au sens,

mais il me consuma et disparut.

Je suis l'absence. Je suis le céleste

pourchassé.

 

Un jour je serai ce que je veux.

 

Un jour je serai poète

et l'eau se soumettra à ma clairvoyance.

15/05/2013

Dans les pas de Char

A L'Isle-sur-la-Sorgue, guère de traces de René Char : un vilain cours embouteillé, pas même un livre en devanture des librairies. Pour le retrouver il faut prendre l'air, fouiller l'invisible des collines, humer les tapis de pierres, frémir dans les corridors qu'emprunte le vent, de Montmirail au Ventoux, dans le silence de ses pas...

Les sentiers, les entailles qui longent invisiblement la route, sont notre unique route, à nous qui parlons pour vivre, qui dormons, sans nous engourdir, sur le côté.

23:17 Publié dans René Char | Lien permanent | Commentaires (0)

26/04/2013

Magenta, et ailleurs

A quoi pense-t-on parfois en descendant le Magenta, face au soleil du printemps, collage de brume et de klaxons, dans les hôtels on déjeûne, et les gares libèrent leurs effluves de voyages, petits ou grands... Un poème revient en tête, de Jean-Michel Maulpoix, dans Une histoire de bleu.

Ecrire m'est affaire de partance.

De quais de gares et d'aéroports, de valises faites et défaites, de piles de chemises ou de livres, et d'encre noire qui vire au bleu. Cette vie-ci sur les épaules et tant d'autres dans la tête, je serre autour de moi ma propre chair. Mes visages sont comme mes paroles : je ne m'y installe guère. Couloirs plutôt, ils donnent sur des chambres. Je cogne aux portes et vais de défaites en abdications. Les jours de mes chimères sont comptés.

13/04/2013

Dire et redire

Sur une page, sur une toile, sur un bloc de pierre, sur une image, vous posez une idée, une sensation, une émotion. Geste aussitôt suivi d'une impression de redite qui vous incommode. Peu importe, continuez, poursuivez ce chemin concentrique et si vous doutez, reportez-vous à ce qui suit. Dans Pas à pas jusqu'au dernier, son ultime ouvrage, Louis-René des Forêts livre d'entrée cette leçon, à méditer en tout instant de découragement.

Dire et redire encore, redire autant de fois que la redite s'impose, tel est notre devoir qui use le meilleur de nos forces et ne prendra fin qu'avec elles.

10/04/2013

Ne plus jamais purifier

Vraiment, il est des jours où le spectacle du monde étouffe, où le mille-feuilles des turpitudes et incohérences humaines devient par trop indigeste, où l'on voit revenir des mots souillés que l'on pensait indicibles. Purifier disent-ils... comme si ce chemin n'avait jamais mené au charnier...

Alors en ces jours comme en d'autres, bien meilleurs, tout n'est pas noir, loin de là, restons encore une fois sur une page de Michaux... Lorsqu'il écrit Emportez-moi son humeur n'était peut-être pas politique, mais faisons quand même nôtre aujourd'hui ce poème de sauvegarde.

Emportez-moi dans une caravelle,

dans une vieille et douce caravelle,

dans l'étrave, ou si l'on veut dans l'écume,

et perdez-moi au loin, au loin.

 

Dans l'attelage d'un autre âge.

Dans le velours trompeur de la neige.

Dans l'haleine de quelques chiens réunis.

Dans la troupe exténuée des feuilles mortes.

 

Emportez-moi sans me briser, dans les baisers,

dans les poitrines qui se soulèvent et respirent,

sur les tapis des paumes et leur sourire,

dans les corridors des os longs et des articulations.

Emportez-moi, ou plutôt enfouissez-moi.

03/04/2013

A la mémoire des poètes lamentables

Hier, le mot poésie a fait la une d'un grand quotidien national (Libération), quelle chance ! Malheureusement c'est M. Houellebecq qui en parlait. Et, comme souvent, ce triste provocateur dit des choses un peu bêtes, assénées comme de suprêmes vérités. Ainsi la poésie contemporaine serait lamentable et ne vaudrait rien à côté de celle du 19è siècle... Misère, voilà, en une ligne, un siècle d'écrits foutu à la poubelle !... Que dire, sinon redonner très vite la parole à l'un de ces poètes "lamentables", Henri Michaux par exemple, dans un extrait de Je suis né troué, et renoncer, encore une fois, à lire Libé...

C'est à gauche, mais je ne dis pas que c'est le coeur.

Je dis trou, je ne dis pas plus, c'est de la rage et je ne peux rien.

J'ai sept ou huit sens. Un d'eux : celui du manque.

Je le touche et le palpe comme on palpe du bois.

Mais ce serait plutôt une grande forêt, de celles qu'on ne trouve plus en Europe depuis longtemps.

Et c'est ma vie, ma vie par le vide.

S'il disparaît, ce vide, je me cherche, je m'affole et c'est encore pis.

Je me suis bâti sur une colonne absente.

21/03/2013

Outils posés sur une table

Souvent le poète regarde les cieux, puis ses mains... puis il contemple le vide de la nuit et encore une fois ses mains... enfin, il pose sur la table ses outils de travail... ce qui se passe ensuite c'est Jean Tardieu qui en parle le mieux...

Mes outils d'artisan

sont vieux comme le monde

vous les connaissez

Je les prends devant vous :

verbes adverbes participes

pronoms substantifs adjectifs.

 

Ils ont su ils savent toujours

peser sur les choses

sur les volontés

éloigner ou rapprocher

réunir séparer

fondre ce qui est pour qu'en transparence

dans cette épaisseur

soient espérés ou redoutés

ce qui n'est pas, ce qui n'est pas encore,

ce qui est tout, ce qui n'est rien,

ce qui n'est plus.

 

Je les pose sur la table

ils parlent tout seuls je m'en vais.

14/03/2013

Jaccottet lit Char

Quand un poète se fait lecteur d'un de ses confrères, il est juste inutile d'ajouter un quelconque commentaire. La parole est donc à Jaccottet citant Char.

A partir de l'incertitude avancer tout de même. Rien d'acquis, car tout acquis ne serait-il pas paralysie ? L'incertitude est le moteur, l'ombre est la source. Je marche faute de lieu, je parle faute de savoir, preuve que je ne suis pas encore mort. Bégayant, je ne suis pas encore terrassé. Ce que j'ai fait ne me sert à rien, même si ce fut approuvé, tenu pour une étape accomplie. Magicien de l'insécurité, le poète..., juste parole de Char. Si je respire, c'est que je ne sais toujours rien. Terre mouvante, horrible, exquise, dit encore Char. Ne rien expliquer, mais prononcer juste.

03/03/2013

Hommage aux passeurs

Une pensée ce jour pour les passeurs de poésie, ces grands lecteurs qui donnent à toute langue poétique un passeport d'éternité... En lisant, inlassablement, en donnant à lire, en récitant, en chantant, en allant au vent un poème en bandoulière...

Trois d'entre eux sont partis coup sur coup et ce sont trois voix qui manqueront : Alain Gheerbrant, l'un des éditeurs d'Antonin Artaud et d'Aimé Césaire, Stéphane Hessel, est-il utile de le présenter ?, et l'astre noir, Daniel Darc.

Pour eux, ces quelques lignes du poète absolu, René Char; miroirs de l'amour qu'ils portèrent tous au pouvoir jamais éteint du poème...

Dans le chaos d'une avalanche, deux pierres s'épousant au bond purent s'aimer nues dans l'espace. L'eau de neige qui les engloutit s'étonna de leur mousse ardente.

L'homme fut sûrement le voeu le plus fou des ténèbres : c'est pourquoi nous sommes ténébreux, envieux et fous sous le puissant soleil.

Poésie, unique montée des hommes, que le soleil des morts ne peut assombrir dans l'infini parfait et burlesque.

09:12 Publié dans René Char | Lien permanent | Commentaires (0)

25/02/2013

Sans feu ni fin

Et lorsque le "pourquoi" du poème, de l'écrit,  n'a plus de sens, il faut alors savoir remuer cette béance et mettre le corps en mouvement. Le confronter à un ailleurs, sans forcément chercher le lointain. L'épurer par l'ouïe, la vue et l'odorat. L'endurcir par le minéral, le soumettre au végétal.

L'enseignement est de Jacques Dupin et c'est un nouvel extrait de Fragmes.

Dehors, marchant, toute une nuit, sans écrire, froissant l'herbe et martelant la terre obscure... entre le hibou dont le hululement se rapproche, et les étoiles qui respirent... pénétrant le couvert, errant parmi les chênes, sifflant le serpent qui dort... une nuit d'empreintes, de feuilles, d'odeurs et de froissements... allant seul, nulle part, sans feu ni fin, dans l'improvisation de la trace et de la fatigue.