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06/01/2012

Saisir la lumière

A toutes et tous : merci de lire ces pages. Que le meilleur et le plus juste vous soit offert.

Ici, le voyage se poursuit, la route des mots n'est-elle pas infinie ?... Les haltes seront tour à tour douces ou violentes, touchantes ou effrayantes, limpides ou opaques, comme la vie. Les passagers seront de vieux compagnons chaleureux ou de nouveaux héros mystérieux, et tous seront là pour nous aider à franchir les gués de nos jours et de nos nuits, les plus calmes comme les plus impétueux.

Pour entamer cette nouvelle année, Vox Poetik répare tout d'abord une grave injustice : une voix de femme, enfin, s'élève et nous parle : Annie Ernaux, dans les dernières lignes de Les années. Que sa conclusion soit désormais notre devise.

(...) elle voudrait saisir la lumière qui baigne des visages désormais invisibles, des nappes chargées de nourritures évanouies, cette lumière qui était déjà là dans les récits des dimanches d'enfance et n'a cessé de se déposer sur les choses aussitôt vécues, une lumière antérieure.

Sauver quelque chose du temps où l'on ne sera plus jamais.

27/12/2011

L'huile dorée du soir

Le voyageur à la petite semaine expérimente désormais par trop souvent cette sensation : il y a une poignée d'heures, c'était le Sud, une lumière insensée, l'hiver renversé, le vent odorant, une mer d'arbres pour embarcation de roches... et maintenant, la ville, la rue, l'humide... et de penser à Philippe Jaccottet :

L'aurais-je donc inventé, le pinceau du couchant

sur la toile rugueuse de la terre

l'huile dorée du soir sur les prairies et sur les bois ?

C'était pourtant comme la lampe sur la table avec le pain.

15/12/2011

La dernière douane

Comme un écho aux mots de Claude Esteban, voici la parole de Nicolas Bouvier. Voix du crépuscule, lucide et limpide, un espoir dans l'ourlet du linceul...

Depuis que le silence

n'est plus le père de la musique

depuis que la parole a fini d'avouer

qu'elle ne nous conduit qu'au silence

les gouttières pleurent

il fait noir et il pleut

 

Dans l'oubli des noms et des souvenirs

il reste quelque chose à dire

entre cette pluie et Celle qu'on attend

entre le sarcasme et le testament

entre les trois coups de l'horloge

et les deux battements du sang

 

Mais par où commencer

depuis que le midi du pré

refuse de dire pourquoi

nous ne comprenons la simplicité

que quand le coeur se brise.

09/12/2011

Présent, passé, futur

Petit collage de trois temps de La mort à distance de Claude Esteban. Valse lente où présent, passé et futur s'enlacent. Commune alliance pour tenir au loin, du bout de lèvres, l'instant qu'on ne saura nommer...

Ce n'est

rien, c'est le coeur qui s'étonne

de ne pas souffrir.

***

J'espérais parfois, tout un jour,

le mot juste, le mot

qui chasserait la peur

puis j'oubliais.

***

J'avancerai, je chercherai

jusqu'à la fin

je perdrai courage, je

reprendrai de plus loin, je reconnaîtrai

la maison.

22/11/2011

Le chant des morts

Au fronton de la grande maison des poètes élégamment désespérés, Pierre reverdy est en bonne place. En certain jour d'automne, ses vers nous sabrent et nous résument en huit lignes. Toutefois les mots qui suivent ne sauraient être le seul écho d'un spleen un peu vain : extraits du Chant des morts (1944-1948) ils sont surtout l'écho foudroyant d'une guerre qui laissa les poètes vivants comme morts pantelants.

L'arbre est mort en grand appareil

et se désole feuille à feuille

plus loin encore l'eau violente

la colère mal supportée

la faiblesse du caractère

et dans tous les fours de la terre

la lave d'un coeur qui se serre

la pierre moite desséchée

mais je ne peux plus me reprendre

toutes les portes sont fermées

les échos sont éteints

les rêves fracassés

08/11/2011

Tomas Segovia 1927-2011

Tomas Segovia n'est plus depuis hier... enfin, c'est ce que disent les communiqués de presse... car nous le savons bien, nous qui les lisons encore et encore : les poètes ne meurent jamais. Leur vie coule dans leur langue, coule dans nos yeux... dès lors que nous répétons, même à voix basse, leurs mots et que nous les faisons nôtres, nous leur accordons l'éternité... Salut à toi, Tomas.

Extrait des Variations du contemplateur :

 

Jamais dans sa pénombre ne parle le langage

Mais il y habite

***

Caché dans les cultures du monde

cultiver comme le jardin de son jardin

un nid d'épaisseur

Plonger dans le ventre du dit

jusqu'à s'enfoncer dans la chaleur obscure

qui est ventre de ce ventre

Durer là où le langage

n'est pas un son mais une fièvre

***

Fidèle aux rives

comme si tu devais ainsi les ancrer

mais en prenant soin d'être toi

sans ancre

Et jamais tapi quand tu te tais

27/10/2011

Séquence du temps

Tomas Segovia a aujourd'hui 84 ans. Au double-miroir de sa vie d'homme et de son oeuvre de poète, ses réflexions sur le temps auront potentiellement une certaine valeur pour les insomniaques, les angoissés, les marathoniens, les hyper-actifs, les chronophobes, les contemplateurs... bref pour toutes et tous qui se dévisagent au matin et ne comprennent pas toujours ce que leur reflet certifie...

Quelque chose de plus que la nuit est en train de tomber

du temps tombe silencieusement

dans un fond de coupe irrécouvrable

***

Un trésor de temps inemployable neige

***

Reclus dans ma maison j'entendais le temps

tourner autour de moi comme un fauve irrité

mais un autre en moi

celui qui parle maintenant

était déjà soumis à son torrent

***

Touche-moi temps

pour tes doigts je suis encore nu

23/10/2011

Deux ans

Depuis deux ans maintenant, passent et repassent dans ces pages des voix de poètes, souvent les mêmes, c'est un fait. Elles forment une famille primaire, minérale, unie... une sorte de tribu, acceptant difficilement en son sein de nouveaux membres...

Les quelques mots qui suivent sont de René Crevel, réflexions sur l'une des ces amies, et  transposés au cadre poétique de cette anthologie miniature, ils en expliquent et en affirment la ligne :

Elle vit avec les autres, va aux autres, à tous les autres, à tous. Or aller à tous n'est pas aller à tout, mais au contraire n'aller à rien.

15/10/2011

On ne sait pas

Sait-on ce qu'un poème réveille en nous... Sait-on l'ombre ou la lumière nichées entre les lignes, ce faisceau qui se glisse en nous... Sait-on les liens qui régissent cet élan... En ordre ou en désordre, soudain des mots se révèlent... et tout ce que l'on peut dire c'est que l'on ne sait pas pourquoi... Bernard Noël a écrit l'un de ces poèmes

la vie est la trace

de la vie

la moelle des yeux

s'allume au bonheur

tout est là

comme un mot

sur la langue

04/10/2011

Vade mecum

Temps de houle, temps de loup, au fond de soi on place le ballast, on cherche les sentes invisibles... On ouvrira encore une fois les Feuillets d'Hypnos, et de sa nuit toujours vive René Char nous parle, nous soutient, nous affirme...

Vous serez une part de la saveur du fruit.

***

L'homme qui ne voit qu'une source ne connaît qu'un orage. Les chances en lui sont contrariées.

***

Le silence du matin. L'appréhension des couleurs. La chance de l'épervier.

22:54 Publié dans René Char | Lien permanent | Commentaires (0)