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16/01/2019

Traité du silence

Ce n'est pas une Loi, ce n'est pas un ordre, encore moins un dogme. Seulement un désir, l'hypothèse d'une piste pour tracer une voie, dans le fracas du vivant et de sa propre histoire.

Pascal Quignard a ce "savoir dire" qui invite à la réflexion, qui ouvre l'intelligence, qui éveille et réveille en un seul et même mouvement.

Extrait de Petits Traités, 1 & 5

 

Ecrire. Résonner avec une espèce de fracas dans le silence du corps. Retentir au-delà de l'eau noire, retentir dans quelque chose qui est comme la nuit de l'ancien monde.(...) Toute œuvre écrite, vraiment écrite, est un silence qui parle. 

(in Traité 1)

***

Le livre est un morceau de silence dans les mains du lecteur. Celui qui écrit se tait. Celui qui rit ne rompt pas le silence.

(in Traité 5)

09/02/2018

Sur le jadis (2)

Dans la minute d'absence qui sépare le réveil de la lucidité, une question reste accrochée aux sables d'un rêve... On regarde le ciel rose et les écharpes de neige soudées aux cheminées, on cherche une réponse, sachant fort bien qu'il n'y en a peut-être aucune... mais nous serons toujours plus sereins en écoutant une voix plutôt que le silence...

Surtout quand cette voix est celle de Pascal Quignard. Sur le jadis, chapitre 72, L'Achrone.

Le paradis est le temps antérieur au temps. Il est un lieu étrange qui est situé à l'ouest de l'Eden et dans lequel on rêve. Ce que nous transportons ? L'ombre de la nudité. Nous transportons le souvenir de corps plus anciens que le nôtre. Nous ne sommes que la trace vivante d'une scène qui n'est plus.

(...)

Le corps d'autrefois traîne son visage comme un sillage dans le temps. Une autre fois de visages erre dans les générations des hommes.

26/10/2017

Pour faire court...

Chapitre 14 de Sur le jadis de Pascal Quignard. Trois lignes, vingt-quatre mots, cela seul suffit parfois pour entamer une journée sous les auspices de la sérénité.

 

Les poissons sont de l'eau à l'état solide.

Les oiseaux sont du vent à l'état solide.

Les livres sont du silence à l'état solide.

18/10/2017

Sur le jadis (1)

L'odeur du café. Les premiers pas dans l'escalier. Un murmure, ou le silence, sous les draps. Le signal rauque d'un corbeau, ou d'une mouette. Une lueur à l'Est. Le vent, ou la pluie, ou l'infime vibration du soleil sur le toit. Le réel, ici et maintenant, strié d'éclairs inconnus venus d'un ailleurs intime... Eclairs que seule une pensée écrite rend intelligible. Eclairs dont nous n'aurons plus à craindre les craquements dans le silence de l'aube.

Pascal Quignard est ce penseur. Extrait de Sur le jadis, Dernier royaume II.

 

Nous sommes à la merci d'images qui n'ont aucune source visuelle en nous. Nous avons vécu avant de naître. Nous avons rêvé avant de voir. Nous avons entendu avant d'être sujets à l'air. Nous sommes entrés en contact avec le langage avant d'être envahis par le souffle. (...)

Nous sommes les pousses de l'antériorité invisible.

Echos d'images.

Echos d'images nocturnes.

A la fois des fantômes que l'aube chaque jour foudroie et des fantasmes que chaque veille déteste.

 

13/07/2017

Le dernier royaume (4) : les ombres errantes

Nommez ce qui est précieux. Triez, affinez, cernez, puis, dénommez ce qui est au-delà du précieux. L'intime est hors-jeu, évidemment. Aucun écrit ne sera jamais aussi précieux que le corps, la parole, la présence des êtres aimés. 

Toutefois, il est des penseurs qui s'approchent assez près de notre firmament affectif pour revêtir le temps de trois lignes les oripeaux du père, du frère... Et même un peu plus, ce soir, Pascal Quignard est un ami, un confident... Le dernier royaume, vol.1, Les ombres errantes.

 

Sans solitude, sans épreuve du temps, sans passion du silence, sans excitation et rétention de tout le corps, sans titubation dans la peur, sans errance dans quelque chose d'ombreux et d'invisible, sans mémoire de l'animalité, sans mélancolie, sans esseulement dans la mélancolie, il n'y a pas de joie.

22/06/2017

Le dernier royaume (3)

Vous avez chaud. Votre pensée est fondue dans le bitume. Un ailleurs s'impose. Eteignez la lumière, larguez les amarres, musique, arpèges orientaux ( Satie en Orient, absolument). Un temps, d'avant les temps des Hommes, surgit d'entre les pages du Dernier Royaume de Pascal Quignard, un dyptique mer/montagne que nous réunirons ici pour entrouvrir une fenêtre sur un univers de pures sensations, au creux de la nuit...

 

Les nuages noirs dans le ciel, comme ils se déchiraient, la voûte bleue parut soudain dans un état de nudité dont il m'est difficile de donner l'idée. Le bleu était frais et luisant au fond du ciel noir.

 

La mer était sans écume, lissée, extrêmement brillante, resplendissante. Chaque vague était comme une grande tuile d'or qui s'élevait, qui avançait.

 

 

28/05/2017

Le dernier royaume (2)

Vous écrivez, vous composez, vous créez... Peut-être parfois écoutez-vous "Hurt", dans sa version originale ( Nine Inch Nails), ou bien celle, intemporelle, de Johnny Cash, ou mieux encore, celle de Youn Sun Nah, la plus incarnée... Vous songez à la postérité, aux flux du temps, et certains soirs, c'est peut-être la matière noire qui vous attire, le trou béant du néant... bref, vous doutez, fortement... Aussi, peut-être est-il temps de relativiser, et Pascal Quignard, encore une fois, paraît porteur d'un raisonnable faisceau d'espoir... Ne pensez plus, vivez...

Le Dernier royaume, vol.1, Les Ombres errantes, chap. XI

Chaque oeuvre est comparable à un pan de roches s'écrasant dans l'eau; chaque saison de même; des cercles s'y propagent; ils se perdent dans le futur qui s'y répète comme dans le passé qu'ils inventent; ils sont perdus mais ils ne sont pas disparus;

ils ne sont pas disparus que déjà une autre pierre tombe comme la

terre elle-même jadis est une pierre tombée dans l'espace,

y vécut peu à peu dans la lumière et l'eau, les fleurs, les oiseaux et les rêves, le langage, la mort,

y disparaîtra.

 

21/05/2017

Le dernier royaume (1)

Où se love le mystère d'une rencontre ? Dans quel ourlet de la mémoire repose un visage connu, un corps évident, une voix reconnue ?

Il en va de même des livres... Pascal Quignard, parallèlement à son travail de romancier, mène depuis quinze années une oeuvre unique, improbable, réunie en neuf volumes à ce jour sous le titre Le dernier royaume.

Précis esthétique, poétique, philosophique, rhétorique, cette suite de fragments est avant tout, et surtout, une de ces oeuvres dont les lecteurs peuvent dire un jour, avec la plus grande sincérité, qu'elle leur a sauvé la vie...

Extrait du Dernier royaume, volume 1 : Les Ombres errantes.

 

Qui n'aime ce qu'il a aimé ? Il faut aimer le perdu et aimer jusqu'au jadis dans le perdu.

Jusqu'au jardin dans l'extinction de la nature et jusqu'au Paradis dans le Jardin.

Il faut aimer le manque et non pas à chercher à s'émanciper de lui.

Il faut aimer la différence sexuelle;

aimer la nudité dans les orifices de la nudité;

aimer la perte.

Il faut adorer le temps.