29/11/2018
La marche à l'amour
Parfois une voix nous submerge et, après l'avoir entendue, nous ne sommes plus les mêmes. Telle une porte qui s'ouvre sur une pièce jadis close.
Par cette voix surgit en chacun.e un récit nu : un souvenir ou un désir, une lumière ou une blessure, une musique secrète, un chant voilé, un silence dévoilé... L'intime le plus enfoui prend voix et le choeur des mots l'élève.
Dans La marche à l'amour la voix de Gaston Miron transcende et bouleverse au-delà du raisonnable... mais perdre la raison n'est-ce pas cela que nous pouvons aussi attendre et espérer d'un poème ?
(A celles et ceux qui seront touché.e.s par les mots qui suivent : écoutez la mise en musique de cette oeuvre par Babx sur l'album Cristal automatique...)
(...) j'ai quand même idée farouche
de t'aimer pour ta pureté
de t'aimer pour une tendresse que je n'ai pas connue
dans les giboulées d'étoiles de mon ciel
l'éclair s'épanouit dans ma chair
je passe les poings durs au vent
j'ai un cœur de mille chevaux-vapeur
j'ai un cœur comme la flamme d'une chandelle
toi tu as la tête d'abîme douce n'est-ce pas
la nuit de saule dans tes cheveux
un visage enneigé de hasards et de fruits
un regard entretenu de sources cachées
et mille chants d'insectes dans tes veines
et mille pluies de pétales dans tes caresses (...)
11:29 Publié dans Gaston Miron | Lien permanent | Commentaires (0)
22/11/2018
Une lumière de voyelles
Coupez le cours du temps, bouleversez vos jours, épousez les ondes de chants immémoriaux, le calendrier vacille, les siècles vont se croiser dans quelques lignes.
A la fin du vingtième, Olivier Barbarant fait oeuvre de poète et intitule ses écrits Odes, Elégies... Il déambule dans Paris, écoute Fréhel, recueille les reflets chamarrés du désir, les ombres de la nuit, les cruels et doux refrains de l'amour, et tient la chronique des instants de rien qui font une vie.
Il en compose de longs poèmes réunis dans un recueil essentiel, Odes dérisoires, que l'on peut glisser dans sa poche et lire à voix haute en regardant l'aube grise se lever sur les toits mouillés...
Extrait de La der des der, in Les parquets du ciel.
(...) A la fin du poème c'est comme au début La douleur d'être et la joie à deux de rimer
Aussi la poésie assurément ne change rien mais permet simplement que tu saches même si j'en rougis que tu l'apprennes
Ma déclinaison de je t'aime dans la nuit
Elle ne touche à rien la poésie c'est juste une manière de respirer ou comme de te regarder quand tu dors parce que la veille tu as trop bu
Un moyen aussi de continuer à avancer quand tu n'es pas là mais au travail les poings disparus sous l'argent des plateaux que tout le jour tu portes
Tu dois être joli Noir et blanc enfin c'est comme cela que j'imagine ta tenue
Le poème quand il fait froid que le bleu trop blanc grince aux vitres pour se perdre au gris lové du chat qui dort
Et la parole pour cela je l'étire il me faudrait une phrase de ta longueur et m'y rouler
Avec des syllabes douces et somnolentes comme toi au matin
Comme toute la faïence de toi renversée sur les draps les bols de l'épaule où court azur l'ébréchure des veines les soucoupes des pectoraux et ma main qui s'y perd
Aussi ma lumière de voyelles quand même ce n'est pas rien t'habille (...)
09:16 | Lien permanent | Commentaires (0)
01/11/2018
Danse, bel écureuil du temps
Sur le canevas du temps, pas d'équation impossible : qu'une saison passe sans un mots, ce n'est qu'un pont entre deux dates. Et le récit reprend : la voix des poèmes pour entendre aujourd'hui ce qu'hier et demain nous murmurent.
Claude Esteban, extrait de Conjoncture du corps et du jardin.
Demain n'est plus. C'est hier qui triomphe au pied des immortelles. Tout reprendre à rebours. Sans hâte, avec les mots. Danse, bel écureuil du temps, sur notre histoire. Saute, d'un siècle à l'autre. Hop, l'infini ! Les vieux calculs griffonnés sur l'ardoise, comme ils s'effacent dans le cœur d'un homme soudain nu.
07:03 Publié dans Claude Esteban | Lien permanent | Commentaires (0)