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26/06/2014

La grande vie

Les amants de la poésie sont parfois excessifs, vivent dans un monde de quartz et d'écume... Mais l'objet de leur adoration échappe à toute raison : pages, mots, vers, chants auxquels une voix donne grâce et force... et plus d'un, plus d'une sauvés par cinq minutes de lecture au coeur de la nuit.

Prenez Christian Bobin : en voilà encore un, coeur poreux, réchappé d'on ne sait quelle faille... Excessif, il l'est mais ne le jugeons pas, écoutons-le. Peut-être sa voix, extraite de La grande vie, en sauvera-t-elle d'autre...

J'aurai passé mes jours à regarder le reflet de la vie sur la rivière de papier blanc. Ce n'est pas ce qu'on appelle "vivre". C'est beaucoup mieux.

Ah ! ne m'enlevez pas la poésie, elle m'est plus précieuse que la vie, elle est la vie même, révélée, sortie par deux mains d'or des eaux du néant, ruisselante de soleil.

La poésie, c'est la grande vie.

21/02/2014

Le lecteur

A cet idéal d'écriture porté par Juarroz répond le besoin, tout aussi idéal, d'un lecteur investi d'une attente absolue. Porté par les ombres tutellaires de Char et Michaux, Christian Bobin dresse dans un saisissant passage de Souveraineté du vide le portrait d'un lecteur incandescent en quête de son double parfait : "l'écrivain sourcier".

 

Purification. Entrée en lecture. Entrée en rêverie. Purification.

 

Lisant, non pas pour savoir, non pas pour apprendre, pour accumuler, pour entasser, pour acquérir. Non, rien de tout cela. Lisant bien plutôt pour oublier, pour se déprendre, pour perdre, pour se perdre. Redevenant seul, infiniment seul.

 

Assez seul pour ne plus l'être jamais.

 

24/09/2012

La poésie est une flèche

En écho à René Char, Christian Bobin pose une autre lumière, complémentaire et plus douce peut-être, sur l'immense et vitale spécificité de la poésie. On trouve ces lignes dans L'épuisement, un petit livre précieux et touchant.

La poésie n'est pas essentiellement et n'est même pas d'abord du langage. C'est une flèche recueillie sur sa cible. Que cette flèche soit tendue sur la corde d'une voix ou bien qu'elle s'élance de l'intérieur muet des choses n'a pas d'importance. La cible est toujours la même : cette présence soudain inconstestable d'une autre vie dans notre vie, une présence si nette qu'elle ressuscite la joie en nous dormante.

25/06/2012

L'autre temps

Lui, Christian Bobin, il était là depuis un bon moment, mais en retrait, couvert par quelques aînés à la langue plus ample. Un peu fougère à l'ombre des arbres, dans l'attente... Etrange posture que l'attente, si contraire à notre temps, dont on ne saisit plus les fondements... Mais en-a-t-elle, d'ailleurs ? Alors, Bobin nous parle d'un autre monde, d'un autre temps, mais peut-être encore en nous, peut-être ici...

Vous êtes pressés. Vous êtes essouflés. Vous vous agitez dans tout ce que vous faites comme le dormeur au fond du lit.

Chez vous le temps s'entasse - et puis se fane.

Chez nous le temps se perd - et puis fleurit.

Attendre, c'est ce que nous savons faire de mieux, l'art suprême auquel tous ici s'exercent, enfants comme vieillards, hommes comme femmes, pierres comme plantes.

Caravane de l'attente avec ses deux chameaux, solitude et silence.

Fier navire de l'attente, avec ses deux grandes voiles, solitude et silence.

Celui qui attend est comme un arbre avec ses deux oiseaux, solitude et silence. Il ne commande pas à son attente. Il bouge au gré du vent, docile à ce qui s'approche, souriant à ce qui s'éloigne.