23/11/2012
Une autre nuit
Fouillez votre mémoire, souvenez-vous d'une nuit au coeur d'une montagne, ou bien sur une lande, ou encore dans un vallon odorant. Cherchez bien, vous ne pouvez l'avoir oublié. Maintenant écoutez François Cheng encore une fois, il vous ramène à cette nuit-là.
Réduit au plus ténu du souffle
être pure ouïe
et faire écho en silence
au respir des sycomores
Quand l'automne les pénètre
de son haleine d'humus et de brume
à la saveur de sel après les larmes
Réduit au plus ténu du souffle
abandonné au rien
et au change
à rien de moins qu'échange
là où voix est voie
et voix voie
là est
22:39 Publié dans François Cheng | Lien permanent | Commentaires (0)
19/11/2012
A la nuit
De la marche à la nuit, une oeuvre commune, délicate à cerner : peut-être un même espace à emplir par le mouvement et le silence, ronde des questions, fronde des réponses...
Après les poètes marcheurs, voici un arpenteur de la nuit : François Cheng, voyageur nocturne, dans quelques pages de Qui dira notre nuit.
Apprends-nous nuit
à toucher ton fond
à gagner
le non-lieu
où sel et gel
échangent leurs songes
où source et vent
refont un
22:33 Publié dans François Cheng | Lien permanent | Commentaires (0)
13/11/2012
La terre natale
Marcher, écrire, ce n'est que retisser les échos d'un dialogue perdu. L'expérience relatée ici par Philippe Jaccottet est fondamentale : elle est matrice, elle est souveraine. Tout un chacun peut la tenter et aucun échec en la matière n'est répertorié.
Marcher dans les chemins presque effacés, qui vont se perdre; par endroits, c'est comme si l'on marchait sur des braises qui ne brûleraient pas. Avec pour toute compagnie, dans les endroits encore ensoleillés, des papillons.
Marcher. Les chemins parlent, ou peu s'en faut, en se perdant.
*
Il arrive que l'on croie marcher dans un espace autre, inconnu, qui serait pourtant la terre natale.
23:38 Publié dans Philippe Jaccottet | Lien permanent | Commentaires (0)
08/11/2012
Un très vaste ciel
Rien n'indique qu'André Velter ait écrit ces lignes après les avoir marchées. Ce qui est certain, c'est que le sentiment qui s'en dégage est le coeur même de la sensation du marcheur. S'arrêter après un long effort, contempler, espérer, se recueillir et cueillir le secret d'un instant, d'un ailleurs.
Poussière tourne le dos à la poussière
et les oiseaux du très vaste ciel
sont pris dans un vent de sable.
Les yeux brûlent comme jamais les larmes.
Résistent nos légendes, résistent les traces.
J'aime les récits de la terre.
23:31 Publié dans André Velter | Lien permanent | Commentaires (1)
05/11/2012
Marcher dans des paysages de peu
Associez marche et écrits, et inévitablement vous tomberez sur Nicolas Bouvier. Toute son oeuvre est un appel au départ, à la déambulation, une invitation à cheminer au gré des routes et des sentes, aux quatre vents, sur tous les continents... Dans Journal d'Aran et d'autres lieux, on le retrouve en Irlande, un bout du monde en hiver...
Dans ces paysages faits de peu je me sens chez moi, et marcher seul, au chaud sous la laine sur une route d'hiver est un exercice salubre et litanique qui donne à ce peu - en nous ou au-dehors - sa chance d'être perçu, pesé juste, exactement timbré dans une partition plus vaste, toujours présente mais dont notre surdité au monde nous prive trop souvent.
22:02 Publié dans Nicolas Bouvier | Lien permanent | Commentaires (0)
03/11/2012
Marche
On pourrait un soir, comme ça, inaugurer une petite anthologie des poètes marcheurs. Ou comment, des jambes à la voix, circule une poétique du mouvement. Kenneth White ouvre la marche avec des extraits d'une Lumière abrupte sur le cap breton.
1
y-a-t-il quelque part
sur cette terre qui s'amoindrit
un homme comme moi
marchant au bord de l'océan
et
2
débris de coquillages bleus
galets polis par les vagues
oyats des dunes
ne disent que l'essentiel -
l'esprit s'arrête
5
vers l'intérieur
l'absence de réalité
l'appauvrissement de l'esprit
sont laids et lassants
la pensée se décompose
le langage pourrit
sous les chiffres et les opinions tapageuses
promus au rang de raison
la terre disparaît
de l'esprit des vivants
les mots n'ont plus de sens
21:06 Publié dans Kenneth White | Lien permanent | Commentaires (0)
30/10/2012
En mémoire de Jacques Dupin
Jacques Dupin n'est plus, disparu le 27 octobre... Dans son recueil Gravir, cette page, marquée d'une croix depuis longtemps :
Vigiles sur le promontoire. Ne pas descendre. Ne plus se taire. Ni possession, ni passion. Allées et venues à la vue de tous, dans l'espace étroit, et qui suffit. Vigiles sur le promontoire où je n'ai pas accès. Mais d'où, depuis toujours, mes regards plongent. Et tirent. Bonheur. Indestructible bonheur.
20:55 Publié dans Jacques Dupin | Lien permanent | Commentaires (0)
25/10/2012
Comprendre, enfin
Lire et relire le même poème, maintes et maintes fois, est comme s'abîmer dans la contemplation d'une face montagneuse. Au fil du temps apparaissent dans la roche de nouvelles lignes de faille, de nouvelles voies, jusqu'à ce que se dévoile la trace la plus simple. Ainsi ce soir la conclusion des Poèmes de Samuel Wood de Louis-René Des Forêts sonne comme la plus évidente des définitions de ce qu'est la vox poetik :
Une ombre peut-être, rien qu'une ombre inventée
et nommée pour les besoins de la cause
tout lien rompu avec sa propre figure.
Si faire entendre une voix venue d'ailleurs
inaccessible au temps et à l'usure
se révèle non moins illusoire qu'un rêve
il y a pourtant en elle quelque chose qui dure
même après que s'en est perdu le sens
son timbre vibre encore au loin comme un orage
dont on ne sait s'il se rapproche ou s'en va.
23:11 Publié dans Louis-René des Forêts | Lien permanent | Commentaires (0)
23/10/2012
Généalogie du verbe
Vous regardez une rue inondée de soleil, vous parlez dans le silence, vous arpentez votre mémoire, vous maintenez votre regard dans les contreforts de cette mémoire, vous cherchez parfois vos mots... Bernard Noël dans La chute des temps a parcouru ce même chemin :
tout ce que nous disons est l'écho
d'un mot passé d'un mot
qui voudrait achever aujourd'hui même
une chose autrefois commencée
nous voyons les mêmes étoiles que les morts
et l'odeur qui monte de la terre est le fantôme
de toutes ses fleurs
18:57 Publié dans Bernard Noël | Lien permanent | Commentaires (0)
20/10/2012
Le smoking de Maïakovski
A la mort de Maïakovski, René Char reçut, en souvenir, des mains d'Elsa Triolet le smoking du poète russe. Peut-être est-ce revêtu de cette tenue, et en mémoire de ce deuil, qu'il composa plus tard ces lignes que l'on trouvera dans La parole en archipel...
Nous avons en nous d'immenses étendues que nous n'arriverons jamais à talonner; mais elles sont utiles à l'âpreté de nos climats, propices à notre éveil comme à nos perditions.
21:45 Publié dans René Char | Lien permanent | Commentaires (0)