Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

23/11/2012

Une autre nuit

Fouillez votre mémoire, souvenez-vous d'une nuit au coeur d'une montagne, ou bien sur une lande, ou encore dans un vallon odorant. Cherchez bien, vous ne pouvez l'avoir oublié. Maintenant écoutez François Cheng encore une fois, il vous ramène à cette nuit-là.

 

Réduit au plus ténu du souffle

être pure ouïe

et faire écho en silence

au respir des sycomores

Quand l'automne les pénètre

de son haleine d'humus et de brume

à la saveur de sel après les larmes

 

Réduit au plus ténu du souffle

abandonné au rien

et au change

à rien de moins qu'échange

là où voix est voie

et voix voie

là est

19/11/2012

A la nuit

De la marche à la nuit, une oeuvre commune, délicate à cerner : peut-être un même espace à emplir par le mouvement et le silence, ronde des questions, fronde des réponses...

Après les poètes marcheurs, voici un arpenteur de la nuit : François Cheng, voyageur nocturne, dans quelques pages de Qui dira notre nuit.

Apprends-nous nuit

à toucher ton fond

à gagner

            le non-lieu

où sel et gel

            échangent leurs songes

            où source et vent

refont un

13/11/2012

La terre natale

Marcher, écrire, ce n'est que retisser les échos d'un dialogue perdu. L'expérience relatée ici par Philippe Jaccottet est fondamentale : elle est matrice, elle est souveraine. Tout un chacun peut la tenter et aucun échec en la matière n'est répertorié.

Marcher dans les chemins presque effacés, qui vont se perdre; par endroits, c'est comme si l'on marchait sur des braises qui ne brûleraient pas. Avec pour toute compagnie, dans les endroits encore ensoleillés, des papillons.

Marcher. Les chemins parlent, ou peu s'en faut, en se perdant.

*

Il arrive que l'on croie marcher dans un espace autre, inconnu, qui serait pourtant la terre natale.

08/11/2012

Un très vaste ciel

Rien n'indique qu'André Velter ait écrit ces lignes après les avoir marchées. Ce qui est certain, c'est que le sentiment qui s'en dégage est le coeur même de la sensation du marcheur. S'arrêter après un long effort, contempler, espérer, se recueillir et cueillir le secret d'un instant, d'un ailleurs.

Poussière tourne le dos à la poussière

et les oiseaux du très vaste ciel

sont pris dans un vent de sable.

Les yeux brûlent comme jamais les larmes.

Résistent nos légendes, résistent les traces.

J'aime les récits de la terre.

05/11/2012

Marcher dans des paysages de peu

Associez marche et écrits, et inévitablement vous tomberez sur Nicolas Bouvier. Toute son oeuvre est un appel au départ, à la déambulation, une invitation à cheminer au gré des routes et des sentes, aux quatre vents, sur tous les continents... Dans Journal d'Aran et d'autres lieux, on le retrouve en Irlande, un bout du monde en hiver...

Dans ces paysages faits de peu je me sens chez moi, et marcher seul, au chaud sous la laine sur une route d'hiver est un exercice salubre et litanique qui donne à ce peu - en nous ou au-dehors - sa chance d'être perçu, pesé juste, exactement timbré dans une partition plus vaste, toujours présente mais dont notre surdité au monde nous prive trop souvent.

03/11/2012

Marche

On pourrait un soir, comme ça, inaugurer une petite anthologie des poètes marcheurs. Ou comment, des jambes à la voix, circule une poétique du mouvement. Kenneth White ouvre la marche avec des extraits d'une Lumière abrupte sur le cap breton.

1

y-a-t-il quelque part

sur cette terre qui s'amoindrit

un homme comme moi

marchant au bord de l'océan

et

2

débris de coquillages bleus

galets polis par les vagues

oyats des dunes

ne disent que l'essentiel -

l'esprit s'arrête

5

vers l'intérieur

l'absence de réalité

l'appauvrissement de l'esprit

sont laids et lassants

la pensée se décompose

le langage pourrit

sous les chiffres et les opinions tapageuses

promus au rang de raison

la terre disparaît

de l'esprit des vivants

les mots n'ont plus de sens

30/10/2012

En mémoire de Jacques Dupin

Jacques Dupin n'est plus, disparu le 27 octobre... Dans son recueil Gravir, cette page, marquée d'une croix depuis longtemps :

Vigiles sur le promontoire. Ne pas descendre. Ne plus se taire. Ni possession, ni passion. Allées et venues à la vue de tous, dans l'espace étroit, et qui suffit. Vigiles sur le promontoire où je n'ai pas accès. Mais d'où, depuis toujours, mes regards plongent. Et tirent. Bonheur. Indestructible bonheur.

25/10/2012

Comprendre, enfin

Lire et relire le même poème, maintes et maintes fois, est comme s'abîmer dans la contemplation d'une face montagneuse. Au fil du temps apparaissent dans la roche de nouvelles lignes de faille, de nouvelles voies, jusqu'à ce que se dévoile la trace la plus simple. Ainsi ce soir la conclusion des Poèmes de Samuel Wood de Louis-René Des Forêts sonne comme la plus évidente des définitions de ce qu'est la vox poetik :

Une ombre peut-être, rien qu'une ombre inventée

et nommée pour les besoins de la cause

tout lien rompu avec sa propre figure.

Si faire entendre une voix venue d'ailleurs

inaccessible au temps et à l'usure

se révèle non moins illusoire qu'un rêve

il y a pourtant en elle quelque chose qui dure

même après que s'en est perdu le sens

son timbre vibre encore au loin comme un orage

dont on ne sait s'il se rapproche ou s'en va.

23/10/2012

Généalogie du verbe

Vous regardez une rue inondée de soleil, vous parlez dans le silence, vous arpentez votre mémoire, vous maintenez votre regard dans les contreforts de cette mémoire, vous cherchez parfois vos mots... Bernard Noël dans La chute des temps a parcouru ce même chemin :

tout ce que nous disons est l'écho

d'un mot passé d'un mot

qui voudrait achever aujourd'hui même

une chose autrefois commencée

nous voyons les mêmes étoiles que les morts

et l'odeur qui monte de la terre est le fantôme

de toutes ses fleurs

20/10/2012

Le smoking de Maïakovski

A la mort de Maïakovski, René Char reçut, en souvenir, des mains d'Elsa Triolet le smoking du poète russe. Peut-être est-ce revêtu de cette tenue, et en mémoire de ce deuil, qu'il composa plus tard ces lignes que l'on trouvera dans La parole en archipel...

Nous avons en nous d'immenses étendues que nous n'arriverons jamais à talonner; mais elles sont utiles à l'âpreté de nos climats, propices à notre éveil comme à nos perditions.

21:45 Publié dans René Char | Lien permanent | Commentaires (0)