Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

30/01/2014

Hiver

Une fois n'est pas coutume, l'extrait du jour sera long, comme l'est l'hiver, comme l'est ce poème d'Antoine Emaz. On a bien tenté de l'incurver, de le creuser, de le fouiller, mais il était déjà au plus près du nu. Les mots malaxés et retournés comme de la tourbe, plus rien à bouger, juste répéter et faire passer.

le ciel se défait

en sous-couches successives

se délite

 

on a les mots en main

comme des étoiles

qui tiennent mal

***

continuer le travail

passer delà cette coque de ciel

ou s'écraser

***

on tourne autour de quel vrai

mal en mots

 

on gravite avec les mots autour

de quoi

muet

qui force à tourner autour

***

encore une fois

l'élan l'impact

et le corps s'amenuise

***

à chaque fois

il y a ce redressement

et les mots reviennent

d'où plus loin que les mains

dans les mains

 

comme des muscles nets

plus maigres

à l'intérieur

 

à chaque fois émerger

c'est étrange

ça parle juste

de travers

30/08/2013

Habiter le poème

Cartographe du silence, géographe des sentes solitaires, Antoine Emaz est définitivement le compagnon de route des marcheurs. Ou quand le poème s'inscrit autant au gré des pas qu'au fil de la pensée. Dernier soleil d'été : marchons avec ces lignes du Poème au calme.

Quand on marche dans un pré immense, un matin de givre, rien ne se dit ni dedans ni dehors.

Silence vaste.

Celui qui doit se taire est occupé à se réduire au silence. Le silencieux, lui, n'a rien à dire. Seulement reposer dans le rien dire.

***

Ce paysage traversé chaque jour surprenait : peu à peu, on ne le découvre plus que rarement : on l'habite.

A la limite, on ne le voit même plus, on est dedans, au large.

Ainsi pour certains textes qui deviennent de vrais lieux.

Des espaces où s'allège un peu le poids.

07/06/2013

Sauf

C'est le titre d'une anthologie des poèmes d'Antoine Emaz. Aussi essentielle que la première, Caisse claire. On aimerait l'entendre comme dans "sain et sauf". Mais ce serait ajouter un mot, un mot de trop. Et chez Emaz, le mot de trop n'existe pas, jamais. Rare pesée du mot chez cet homme, fine balance toujours à l'oeuvre. On voudrait que la vie toute entière soit aussi précisément et justement mesurée. Serait-elle plus simple la vie, alors ? On ne sait pas... mais certains soirs, un bout de poème comme dans Poème en miettes la délimite à sa plus claire finalité. Ca ne résoud rien mais cela fait du bien.

Poème, débris ou indice d'un travail à faire. On ramasse, on termine, on ferme, on boucle, pour en finir.

Au bout, c'est encore tellement en avant que cela effraie.

18/02/2013

Entretenir la main

Faire poésie a depuis un certain temps un «on ne sait quoi » de déphasé. Les poètes contemporains en sont bien conscients, d’où abondance, dans leurs œuvres, d’interrogations sur le pourquoi de l’écrit, le pourquoi du poème. Antoine Emaz mêle une âme inquiète à une plume tranchante. Sa réponse lucide et vacillante livre un émoi pénétrant.

Ecrire, comme si quelquechose devait se jouer un jour ou l'autre à cet endroit.

Alors, on se maintient, on entretient la main. A certains moments, on ne peut davantage.

Quand cela se prolonge, on finit par se demander si ce n'est pas cela, écrire, au vrai.

Dans la nuit, la sonnerie grelotante et persistante annonce un train qu'on ne voit pas.

L'inconsistance : on ne sort pas du pas encore, de l'inexact. On se demande si c'est possible.

Vision triste. On vit, mais au fond, ça n'avance ni ne recule, ça reste là. Ca remue seulement un peu pour, en définitive, rester là.

07/10/2012

Emaz, le dimanche soir

Puisque fête il y a, ouvrons la porte pour une ronde qui durera le mois : toutes les voix qui ont traversé ces trois années reviennent les unes après les autres, à chacune son jour, à chacune son heure. Le dimanche soir sied bien à Antoine Emaz et à ses mots de peu, extraits de Poème serré, mots de doute, mots d'espoir, tous dotés d'une force à peine imaginable.

Quels mots

 

un peu trop près

cela bloque davantage

un peu trop lâche

cela ne change rien

 

on ne voit pas la force

elle serre ensemble

corps et mots

 

elle laisse démuni

-

dehors brûle seul

 

on cherche

des mots comme des clés

pour se défaire

dedans

 

et retrouver un calme

27/01/2012

Poème, sans bouger

C'est la fin d'un poème d'Antoine Emaz, Poème sans bouger. Il y est question de mer, de vent, d'odeurs salées, du Nord... un appel venant d'ailleurs. L'on voudrait que l'immense ville cède soudain la place à cet ailleurs...

les mots la mer

plient la rue le ciel

l'été ploie

//

une vague l'autre

efface

le coeur se calme

et le corps devient d'air

dans l'ondulation lente

l'eau verte

ici

nulle part

pas plus loin les mots comme

le souffle

dénoué au large

dans l'eau et l'air

libre

//

lente est la nuit qui vient

et repose la ville

reflux

on se rassemble

la rue est bleue

24/01/2012

Relais

Quittons Perros en douceur, laissons lui passer le relais à l'un de nos contemporains, Antoine Emaz. Leurs mots parlent des fondements même de la poésie, se font écho, aident à cartographier un territoire intime qui est peut-être notre dernière terra incognita.

Perros : Vivre avec un être aimé qui est mort. Le poème, c'est cela, avec les mots.

Emaz : Un poème, c'est de la langue sur une émotion qui rend muet. Il va contre ce mutisme, il est donc un exercice de lucidité, d'élucidation.

08/05/2011

Emaz le juste

Oui, juste. C'est le mot qui vient immédiatement à l'esprit à chaque lecture d'Antoine Emaz. Justesse du sens, justesse des mots. Jamais de pose, une présence à chaque ligne, le ton d'un qui ne se regarde pas écrire. Un poète vivant, à lire de toute urgence.

être avec ceux qui se taisent

on se trouve juste engagé dans un jeu

désarticulant

et les poèmes deviennent comme des bulles

d'une souffrance insonore

cotoyée tous les jours

23/02/2011

Dans les mots

Antoine Emaz n'a pas son pareil pour mettre à nu les minuscules failles quotidiennes de nos vies. C'est parfois douloureux, mais toujours justes et intenses. Et lorsqu'il rapproche l'hiver du travail du poète, on lui sait gré de rappeler que le minutieux ciselage des mots ne se fait pas crinière au vent... et que c'est peut-être lorsqu'ils sont fouillés jusqu'à l'os que les mots sonnent vrais...

dans les mots

du très peu

dans les mots

seul

toucher l'hiver

déplacer de petites pierres transparentes

à peu près ça

//

tout est si net

les mots se mettent à couper les doigts

---

après

c'est de la nuit

et on ne peut pas

la nuit

avec les mains

09/11/2010

Souvenir du sentier

Pour oublier un temps le mur de pluie qui ondule sur les toits et les rues de la ville, un pan de mémoire s'échappe vers un sentier parcouru. Pierrier, névé, lac turquoise, l'Italie à main droite, une montagne de fer à main gauche... Souvenir aussi du sens de la marche, que l'on a trouvé en conclusion du Poème de la masse d'Antoine Emaz.

Marcher assez longtemps jusqu'à user en soi ce qui alourdit le corps et raccourcit le souffle.

A l'intérieur, de la peur, là. Savoir que l'on porte en soi quelque chose qu'on ne sait pas. Une sorte de gros paquet.