18/03/2020
Vivre au ralenti en compagnie de La ralentie
Confinement jour deux. Il faut convoquer à son chevet les amis fidèles, invoquer leurs mots pour échapper une minute au réel; ou mieux le comprendre, mieux le happer... Chacun.e fera comme bon lui semblera... Voici Henri Michaux et sa si touchante Ralentie, miroir d'un visage aimé, à la frontière entre l'intime et le vide, chronique d'un temps suspendu...
Ralentie, on tâte le pouls des choses; on y ronfle; on a tout le temps; tranquillement, toute la vie. On gobe les sons, on les gobe tranquillement; toute la vie. On vit dans son soulier. On y a fait le ménage. On n'a plus besoin de se serrer. On a tout le temps. On déguste. On rit dans son poing. On ne croit plus qu'on sait. On n'a plus besoin de compter. On est heureuse en buvant; on est heureuse en ne buvant pas. On fait la perle. On est, on a le temps. On est la ralentie. On est sortie des courants d'air. On a le sourire du sabot. On n'est plus fatiguée. On n'est plus touchée. On a des genoux au bout des pieds. On n'a plus honte sous la cloche. On a vendu ses monts. On a posé son œuf, on a posé ses nerfs.
Ouverture de La Ralentie in Lointain intérieur (1937)
15:38 Publié dans Henri Michaux | Lien permanent | Commentaires (0)