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28/11/2013

Ostinato

Le spectacle des tempes blanchies amène son lot d'émotions auquel succède bientôt, non sans heurts, son flot d'interrogations. Quelques livres sont là pour y répondre. Ostinato de Louis-René des Forêts est l'un d'entre eux. Parce qu'il dépose en douceur sur ces questions non pas une réponse, mais seulement une ombre, une forme d'épure de ce que pourrait être une réponse.

Se croire capable de renverser tous les obstacles, sauf le dernier en vue duquel venir à bout des autres ne compterait pour rien.

Il a oublié entre-temps où le mène son chemin sur lequel, passé un point de non-retour, il marque le pas et c'est tout comme s'il avait atteint sa destination.

Son exaspération, ses défis, sa brûlure... Mais il ne se reconnaît à la fin qu'au plus près du silence.

De l'envol à la chute, tous ces grands espaces paisibles désertés par la mémoire.

13/11/2013

Lanternes

Il faut bien les accrocher ces lumières, telles celles de Jaccottet dans les pages de La semaison... Les tendre haut, bien haut, visibles, au fronton de nos vies, au revers de nos rêves, ces frêles lumières qui parlent d'un temps qui se meurt...

La difficulté n'est pas d'écrire, mais de vivre de telle manière que l'écrit naisse naturellement. C'est cela qui est presque impossible aujourd'hui; mais je ne puis imaginer d'autre voie. Poésie comme épanouissement, floraison, ou rien. Tout l'art du monde ne saurait dissimuler ce rien.

*

Les poèmes - telles de petites lanternes où brûlent encore le reflet d'une autre lumière.

Peut-être ne voit-on le rose du soir sur les murs qu'au plus froid de l'hiver ?

27/10/2013

A minuit, près de la fenêtre...

A minuit, près de la fenêtre... Au plus près du silence, entre hier et demain, voici le lieu fragile, le lien serein : les pages d'un livre qui respirent plus fort d'être ouvertes encore une fois. Ouvrez les pages d'un livre et c'est un peu d'air pur qui circule au gré des rues, ouvrez les pages d'un recueil de poésie et renouvelez l'air du temps. Antonio Ramos Rosa, Animal regard, page 53 :

Le papier, la table, le soleil, la plume...

A côté, la fenêtre. Je ne possède rien

et je ne suis rien de ce que j'écris. Et je n'attends

rien de tout ce que j'espère.

 

Tout en écrivant je ne suis pas je ne veux pas

je n'écoute ni les paroles ni le silence.

J'aligne des mots je ne chemine pas encore.

Je suis devant une table pauvre et immobile.

 

Le papier, la table, le soleil, la plume...

Rien ne commence, même à l'ombre je ne respire pas.

Tout est clair et distinct.

14/10/2013

Adieu à Maqroll le Gabier

Les livres ressortent des cartons, rejoignent les étagères et fondent une nouvelle chaîne de voix. L'une manque à l'appel du vivant et résonnera désormais dans les seules pages jaunies et endormies des Eléments du désastre : Alvaro Mutis n'est plus, Maqroll le Gabier, son double poétique, vogue dans les limbes...

Une colonne de fumée me suit, arbre épais aux ardentes racines.

Vivent en moi des villes solitaires dans lesquelles les crapauds meurent de soif. Je m'initie à des mystères simples faits de mots transparents.

30/08/2013

Habiter le poème

Cartographe du silence, géographe des sentes solitaires, Antoine Emaz est définitivement le compagnon de route des marcheurs. Ou quand le poème s'inscrit autant au gré des pas qu'au fil de la pensée. Dernier soleil d'été : marchons avec ces lignes du Poème au calme.

Quand on marche dans un pré immense, un matin de givre, rien ne se dit ni dedans ni dehors.

Silence vaste.

Celui qui doit se taire est occupé à se réduire au silence. Le silencieux, lui, n'a rien à dire. Seulement reposer dans le rien dire.

***

Ce paysage traversé chaque jour surprenait : peu à peu, on ne le découvre plus que rarement : on l'habite.

A la limite, on ne le voit même plus, on est dedans, au large.

Ainsi pour certains textes qui deviennent de vrais lieux.

Des espaces où s'allège un peu le poids.

24/08/2013

La nuit

Voyageur muet adossé au soleil de l’été, tu peuples d’ecchymoses l’envers de ta peau, marques que ton silence étend avec soin.

Nul oubli, nul répit, l’encre de ta voix file dans le lait de l’aube et René Char lui répond, du fond de La parole en archipel :

Il ne fallait pas embraser le coeur de la nuit. Il fallait que l'obscur fut maître où se cisèle la rosée du matin.

La nuit déniaise notre passé d'homme, incline sa psyché devant le présent, met de l'indécision dans notre avenir.

Je m'emplirai d'une terre céleste.

Nuit plénière où le rêve malgracieux ne clignote plus, garde-moi vivant ce que j'aime.

09/08/2013

Montagnes

L'intimité qui se noue avec la voix d'un poète passe aussi par le partage d'une terre commune. Qui va sur les sentiers des montagnes ne saurait être insensible à ces fragments de Philippe Jaccottet, et au retour dans la plaine, c'est encore un peu de l'air des cimes qui passe dans le regard et sur nos corps.

La parfaite douceur est figurée au loin

à la limite entre les montagnes et l'air :

distance, longue étincelle

qui déchire, qui affine


***

Dans l'étendue

plus rien que des montagnes miroitantes

Plus rien que d'ardents regards

qui se croisent

Merles et ramiers


***

Et des nuages très haut dans l'air bleu

qui sont des boucles de glace

la buée de la voix

que l'on écoute à jamais tue

07/06/2013

Sauf

C'est le titre d'une anthologie des poèmes d'Antoine Emaz. Aussi essentielle que la première, Caisse claire. On aimerait l'entendre comme dans "sain et sauf". Mais ce serait ajouter un mot, un mot de trop. Et chez Emaz, le mot de trop n'existe pas, jamais. Rare pesée du mot chez cet homme, fine balance toujours à l'oeuvre. On voudrait que la vie toute entière soit aussi précisément et justement mesurée. Serait-elle plus simple la vie, alors ? On ne sait pas... mais certains soirs, un bout de poème comme dans Poème en miettes la délimite à sa plus claire finalité. Ca ne résoud rien mais cela fait du bien.

Poème, débris ou indice d'un travail à faire. On ramasse, on termine, on ferme, on boucle, pour en finir.

Au bout, c'est encore tellement en avant que cela effraie.

03/06/2013

Je sais

Un petit livre rouge vit sur les tables des (bonnes) librairies de France et d'ailleurs un drôle de destin. Exposé depuis 2006, conseillé, lu et transmis par quelques infatigables passeurs, il sort de l'ordinaire en n'exprimant rien d'autre que l'ordinaire. 469 phrases commençant par "Je sais...". 469 notes, fines, banales, mais exprimées avec un tel concentré d'acuité et d'extrême simplicité qu'elles en deviennent, souvent, vertigineuses. Je sais de Ito Naga, chez Cheyne Editeur, est un livre rare.

284. Je sais que, comme pour le corps, il faudrait constamment se soucier de ce que l'esprit consomme.

285. Je sais qu'on redoute de s'abîmer en écoutant certains.

286. Je sais que des images bégnines peuvent nous hanter longtemps, comme ce corbeau estropié après la tempête.

287. Je sais que la pensée est par moments comme un fleuve en crue, qu'on peut alors ressentir comment on devient bègue.

23:56 Publié dans Ito Naga | Lien permanent | Commentaires (0)

26/05/2013

Le brouillon d'un texte

Nouvelle plongée dans la Poésie verticale de Juarroz. Sous la pleine lune, petite musique métaphysique de la nuit, miroir du doute et de l'imperfection, portrait d'un homme fait de mots, hanté par les mots, ne pouvant demeurer que dans et par les mots... et au bout de la ligne de fuite, un ultime espoir.

Nous sommes le brouillon d'un texte

qui ne sera jamais mis au net.

 

Avec des mots rayés,

répétés,

mal écrits

et même avec des fautes d'orthographe.

 

Avec des mots qui attendent,

comme attendent tous les mots,

mais ici abandonnés,

doublement abandonnés

entre des marges droites et vides.

 

Il suffirait pourtant qu'une seule fois

ce brouillon maladroit soit lu à voix haute

pour que nous n'attendions plus désormais

de texte définitif.