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31/05/2017

Le souci mortel d'être vivant

Prenez un bateau tatoué de larmes et remontez le temps - hier Virginie Despentes parlait de notre monde et lançait d'une voix douce, un brin éraillée mais ferme : "Il faut de l'amour, il n'y a que ça qui nous sauvera."

Suivez le fil de sa pensée, traversez un siècle sur un vaisseau fantôme et rendez-vous en 1929. Cette année-là, Paul Eluard publie L'amour, la poésie, donnant corps aux deux phares de sa vie. Parmi tous les poèmes de ce recueil, il en est un qui poigne le coeur et le laisse saisi, comme brûlé par les rayons d'un soleil cruel et lucide...

 

A droite je regarde dans les plus beaux yeux

A gauche entre les ailes aveugles de la peur

A droite à jour avec moi-même

A gauche sans raisons aux sources de la vie

 

J'écoute tous les mots que j'ai su inspirer

Et qui ne sont plus à personne

Je partage l'amour qui ne me connaît pas

Et j'oublie le besoin d'aimer

 

Mais je tourne la tête pour reprendre corps

Pour nourrir le souci mortel d'être vivant

La honte sur un fond de grimaces natales

08/10/2012

Le dur besoin de durer

Paul Eluard pousse la porte et entre avec lui le temps du Livre ouvert. Froid, fumée, lumière blâfarde, éclairs de feu, chair évanouie. Un temps de guerre où le poème était traces vives pour survivre à la nuit. Milliers de mots parmi lesquels on pourrait choisir ceux-ci :

Je peux faire quelques pas

sans tomber je viens de loin

Je tiens ma vie en mes mains

tristesse et faiblesse ensemble

 

Pourrai-je prendre où elle est

l'apparence qui me manque

Sur les rives d'un visage

le jour la force éclatante

 

Le dur besoin de durer.

22/11/2010

Généalogie

A une table familiale, quand les générations s'additionnent et se font miroir, une onde passe en silence, entre le verre de vin et la tarte aux pommes. Que dit-elle ? Peut-être ce que pensait Paul Eluard dans Blason dédoré de mes rêves ( quel titre...) ?

Je suis fils de mes origines

j'en ai les rides les ravines

le sang léger la sève épaisse

les sommets flous les caves sombres

la rosée et la rouille

Je m'équilibre et je chavire

20/08/2010

A jamais sur terre

Au lendemain d'un temps noir, Paul Eluard pense à René Char et lui dédie L'âge de la vie qui s'achève par ces vers pétris d'une fraternité que l'on voudrait clamer haut et fort dans ce pays qui parfois nous fait encore honte :

En dépit des pierres

à figure d'hommes

nous rirons encore

En dépit des coeurs

noués et mortels

nous vivons d'espoir

Rien ne nous réduit

à dormir sans rêves

à supporter l'ombre

Il n'y a sur l'heure

doute ni soupçon

d'une heure semblable

A jamais sur terre

tout remue et chante

change et prend plaisir

 

18/05/2010

Le pollen d'autrui

Dans le choeur imaginaire de la poésie, telle qu'elle se dessine ici, on ne saurait trouver deux voix plus différentes qu'Eluard et Michaux : la fraternité solaire contre le solitaire, une certaine idée de l'engagement politique contre une défiance absolue envers toute doctrine, un torrent de mots contre le goût de l'aphorisme, le désir du peu... Et pourtant chez l'un et l'autre, une même exigence, une même rigueur : se révéler au miroir du poème et par là-même accepter ce monde, et y vivre.

Je ne vois clair et je ne suis intelligible

que si l'amour m'apporte le pollen d'autrui

Je m'enivre au soleil de la présence humaine

Je m'anime marée de tous ses éléments

Je suis crée je crée c'est le seul équilibre

C'est la seule justice

07:12 Publié dans Paul Eluard | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : eluard

29/04/2010

L'épi de l'univers

Il est une librairie à Tours, Le Livre, dont les tables et les rayons sont emplis d'oeuvres rares et fortes, de mots d'hommes et de femmes pour qui l'écrit n'est pas un plan media mais une source vitale. Et même si Eluard n'est peut-être pas le poète élu de cette place forte du livre, ce sont étrangement ces mots de Ailleurs ici partout qui se sont imposés en ce lieu :

Voici ma table et mon papier je pars d'ici

et je suis d'un seul bond dans la foule des hommes

Mes mots sont fraternels mais je les veux mêlés

aux éléments à l'origine au souffle pur

Je veux sentir monter l'épi de l'univers

08:19 Publié dans Paul Eluard | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : eluard

15/04/2010

Une pause, un instant, merci...

L'écart entre certaines dates de Vox Poetik l'atteste, il est des brèches dans nos vies, des failles où un temps féroce et omnivore semble avaler les heures. Il nous ballote au gré des rues, nous essore et nous laisse, rincés, un peu hagards sur le bord de nos lits et l'on voudrait une pause, un instant, un peu de rien, juste le temps de relire Eluard, merci...

Tous et toutes grains de sable

impalpables dans le vent

Tous et toutes étincelles

sous une ombrelle de feu

Sommes-nous hommes et femmes

de ces enfants que nous fûmes

Le vent s'est désorienté

la lumière s'est brouillée

Un rien nous tient immobiles

réfléchissant dans le noir

20:10 Publié dans Paul Eluard | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : eluard

31/03/2010

A la vie

Poésie ininterrompue de Paul Eluard est un invraisemblable poème de trente pages que l'on peut à chaque lecture redécouvrir, éprouvant selon l'humeur ou l'heure, un mélange confus d'exaltation et de rejet. Mais sa touche finale est une caresse que le temps n'évince pas :

Quand au printemps c'est l'aube

et la bouche c'est l'aube

et les yeux immortels

ont la forme de tout

nous deux toi toute nue

moi tel que j'ai vécu

toi la source du sang

et moi les mains ouvertes

comme des yeux

Nous deux nous ne vivons que pour être fidèles

à la vie

20:55 Publié dans Paul Eluard | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : éluard

25/02/2010

Vieillir

On est encore loin du but bien sûr, mais quelques signes ne trompent pas, la courbe du temps s'engage dans un axe que l'on observe avec méfiance... Il est alors bon de se prémunir et de s'armer auprès des meilleures sources. Pour la vitalité, allons donc voir du côté d'Eluard, il y a de la matière.

Je vis d'un élan constant

arriver est un départ

Vieillir c'est organiser

sa jeunesse au cours des ans

C'est mûrir mille jeunesses

par étés et par automnes

Tenir son vol assez haut

pour que l'aile y ait un but

C'est ruiner l'ombre quotidienne

sur des sommets perpétuels

C'est faire honneur à l'avenir

21:36 Publié dans Paul Eluard | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : eluard

01/02/2010

Le travail du poète

Est-ce l'hiver ? La trame des ciels gris et la morsure des jours trop froids ? On tourne les pages des cahiers de notes et on n'y pioche que des lignes de fin du monde... Ou est-ce seulement là le seul et implacable travail du poète comme l'a écrit Paul Eluard ?

La route est courte

on arrive bien vite

aux pierres de couleur

puis

à la pierre vide

On arrive bien vite

aux mots égaux

aux mots sans poids

puis

aux mots sans suite

Parler sans avoir rien à dire

on a dépassé l'aube

et ce n'est pas le jour

et ce n'est pas la nuit

rien c'est l'écho d'un pas sans fin

22:07 Publié dans Paul Eluard | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : éluard