Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

16/10/2012

Voici la terre nue...

Ce temps imparti, que nous traversons, passant, passeur, colporteur d'énigmes et de sensations... Rendons grâce à ceux qui le magnifient, qui nous le rendent intelligibles : ces poètes que nous croisons, qui sont nos pères et nos mères, nos frères et nos soeurs de coeur. De leurs mains nous saisissons l'étreinte, à leurs voix nous puisons les paroles qui nous manquent et de leurs passages dans notre temps, nous conservons des mots qui sont bien plus que des mots : des morceaux de vie plus denses, parfois, que nos vies. Le passant du jour est Antonio Ramos Rosa.

Quelqu'un écrit-il ? Quelqu'un saura-t-il énoncer les devinettes

scintillantes, dire les murmures, les taches mobiles

d'un seul corps libéré dans la claire confluence ?

Aucune parole ne peut dire la joie du vent.

Voici la terre nue de notre identité.

14/10/2012

Etre présent

Face à la poésie de Roberto Juarroz, la place du commentaire est futile. Il s'avance avec sa métaphysique poétique portègne et faire silence demeure la seule posture viable. Méditer ensuite, en toute humilité. A nu, face à la nuit, le temps qu'il faudra...

Etre présent face à tout ce qui existe.

Et aussi face à son ombre.

 

Etre présent face à tout ce qui n'existe pas.

Et aussi face à son ombre.

 

Etre présent.

Ne rien demander.

Ne pas continuer à séparer les brebis.

 

Et dire un mot

qui soit aussi présent.

Comme son ombre.

13/10/2012

Esteban pour mémoire

De toutes les voix qui viennent en écho dans la mémoire de ces pages, celle de Claude Esteban impose un silence à nulle autre pareille. Ses mots sont ceux d'un homme ayant parcouru tout le chemin, et qui au dernier virage, près de la mer, nous laisse un message, nous laisse sans voix.

Je me suis projeté dans le jour

comme une pierre, j'étais

 

fou, je n'avais que ma tête pour

me défendre, la mémoire

 

d'un autre souffle pour avancer,

n'importe, il fallait

 

que la chair se précipite

vers sa blessure, qu'il y ait

 

cette fureur

clouée contre les épines

 

ce cri,

comme en éclats.

10/10/2012

Braises

Philippe Jaccottet rejoint la table et y pose sa propre anthologie : heureux privilège de la vieillesse lucide que de pouvoir se retourner sur soi, contempler le chemin de mots et y faire son choix. Le titre est merveilleux, L'encre serait de l'ombre, et la matière, dense. Comme il est tard, voilà un des poèmes les plus brefs mais qui rappellera que le chemin, parfois, est douloureux...

Je marche

dans un jardin de braises fraîches

sous leur abri de feuilles

 

un charbon ardent sur la bouche

08/10/2012

Le dur besoin de durer

Paul Eluard pousse la porte et entre avec lui le temps du Livre ouvert. Froid, fumée, lumière blâfarde, éclairs de feu, chair évanouie. Un temps de guerre où le poème était traces vives pour survivre à la nuit. Milliers de mots parmi lesquels on pourrait choisir ceux-ci :

Je peux faire quelques pas

sans tomber je viens de loin

Je tiens ma vie en mes mains

tristesse et faiblesse ensemble

 

Pourrai-je prendre où elle est

l'apparence qui me manque

Sur les rives d'un visage

le jour la force éclatante

 

Le dur besoin de durer.

07/10/2012

Emaz, le dimanche soir

Puisque fête il y a, ouvrons la porte pour une ronde qui durera le mois : toutes les voix qui ont traversé ces trois années reviennent les unes après les autres, à chacune son jour, à chacune son heure. Le dimanche soir sied bien à Antoine Emaz et à ses mots de peu, extraits de Poème serré, mots de doute, mots d'espoir, tous dotés d'une force à peine imaginable.

Quels mots

 

un peu trop près

cela bloque davantage

un peu trop lâche

cela ne change rien

 

on ne voit pas la force

elle serre ensemble

corps et mots

 

elle laisse démuni

-

dehors brûle seul

 

on cherche

des mots comme des clés

pour se défaire

dedans

 

et retrouver un calme

06/10/2012

Quelque part, quelqu'un

Vox Poetik a donc trois ans ce mois-ci. Fêtons cela sans cotillons, ni coups de tromblon. Pas de chansons non plus, mais quelques mots d'ici à vous, inspirés par Michaux : Quelque part, quelqu'un lit et relie des poètes à sa vie, quelqu'un vous les confie, quelqu'un a ses petites manies, quelqu'un est heureux que vous le lisiez et suiviez sa drôle d'histoire avec la poèsie, quelqu'un vous remercie...

Maintenant place à Michaux et à ces quelques lignes de son invraisemblable Quelque part, quelqu'un.

...Quelqu'un, il a plus de fleuves que d'île

Quelqu'un il a plus de barrage que de fleuve

Quelqu'un il a plus d'horizon que de barrage

Quelqu'un il a plus de savoir que d'horizon

Quelqu'un il suit plus la pente...

24/09/2012

La poésie est une flèche

En écho à René Char, Christian Bobin pose une autre lumière, complémentaire et plus douce peut-être, sur l'immense et vitale spécificité de la poésie. On trouve ces lignes dans L'épuisement, un petit livre précieux et touchant.

La poésie n'est pas essentiellement et n'est même pas d'abord du langage. C'est une flèche recueillie sur sa cible. Que cette flèche soit tendue sur la corde d'une voix ou bien qu'elle s'élance de l'intérieur muet des choses n'a pas d'importance. La cible est toujours la même : cette présence soudain inconstestable d'une autre vie dans notre vie, une présence si nette qu'elle ressuscite la joie en nous dormante.

20/09/2012

Char encore

Oui, Char encore, une dernière salve. La poésie faite homme, comme la roche fait la montagne, la racine l'arbre. Un lien inaltérable avec un temps où une voix pouvait incarner dans toute sa densité le verbe du poème. Ce temps demeure, il vit au coeur de la nuit, dans la lumière blanche et dorée de La parole en archipel.

La seule signature au bas de la vie blanche, c'est la poésie qui la dessine. Et toujours entre notre coeur éclaté et la cascade apparue.

21:10 Publié dans René Char | Lien permanent | Commentaires (0)

17/09/2012

Contrevenir

Alain Gheerbrant associait les poètes aux chamans et aux derviches, unis en une famille commune : des êtres poreux. Entendre et ressentir, sans forcèment comprendre, la parole d'un poète, c'est accepter cette dimension : transcendance, foi dans le verbe, goût du sacré et du mystère, ombre et lumière...

Peut-être est-ce sous cet angle que l'on peut lire l'énigmatique, et violent, poème de René Char, Contrevenir...

Obéissez à vos porcs qui existent. Je me soumets à mes dieux qui n'existent pas.

Nous restons gens d'inclémence.

13:53 Publié dans René Char | Lien permanent | Commentaires (0)