09/06/2011
Au rayon occasion
Dans les linéaires d'une grande librairie parisienne on trouve parfois des occasions dont la présence laisse perplexe. Ainsi en ce mois de mai quelqu'un est allé revendre des livres de Claude Esteban. Des pages qu'il n'aura donc pas aimées, voire même pas lues. C'est ainsi... mais peut-être ces aphorismes s'étaient dérobés à son regard :
Dans la mémoire des autres
nos blessures
guérissent toujours.
***
Je porterai le temps sur l'épaule
pour marcher
mieux.
***
Laissez dormir les dieux
sous leurs pierres,
ils ne parlent qu'aux serpents.
20:47 Publié dans Claude Esteban | Lien permanent | Commentaires (0)
07/06/2011
Unifier simplifier pénétrer
A la suite de Kenneth White marchant le long des côtes bretonnes il est nécessaire de s'imprégner de son art poétique. Il y a là une vérité qui s'impose en tout lieu, landes ou boulevards, vibrant d'un même souffle, battant d'un même ton.
et toujours la question
est d'unifier
de simplifier
de pénétrer
la violence de la poésie
est calme et silencieuse
et pénètre loin -
jusqu'à l'os
jusqu'au blanc
22:59 Publié dans Kenneth White | Lien permanent | Commentaires (0)
02/06/2011
Le temps de la Beauté
Dans nos ténèbres, il n'y a pas une place pour la Beauté. Toute la place est pour la Beauté.
Ces mots, dernières lignes des Feuillets d'Hypnos de René Char, viennent d'un temps où des hommes cherchaient les masques de glaise et de fougères qui les protègeraient de la folie guerrière. On parle d'un temps, mais l'on pense aussi : d'un autre monde, d'un monde fini, qu'il est difficile de regretter certes... mais est-ce dans le nôtre que l'on écrit et pense ainsi ?
21:16 Publié dans René Char | Lien permanent | Commentaires (0)
28/05/2011
Qui attend
Non, le poète n'écrit pas dans une glorieuse et contemplative solitude. Celui qui voudrait le faire croire est un menteur doublé d'un sot. La vérité est plutôt du côté d'Antonio Ramos Rosa : la solitude de l'écriture n'est qu'une souffrance soulagée par la seule certitude que quelqu'un attend...
Quelqu'un m'attend, quelqu'un qui a soif et qui appelle. Qui appelle en silence. Il ne dit aucun secret, mais c'est tout comme s'il m'en avait dit un : écris.
08:50 Publié dans Antonio Ramos Rosa | Lien permanent | Commentaires (0)
19/05/2011
Michaux heureux
Les temps sont troubles, les temps sont durs, une bouffée d'air est nécessaire. Il est surprenant de la trouver dans les pages de Michaux, elle n'en est que plus savoureuse. Dans un texte de 1967, Lieux, moments, traversées du temps, on le découvre léger, aérien. Peut-être est-il amoureux, la dédicace à Micheline Phankim, sa dernière compagne, le laisse penser, ce qui est sûr c'est qu'il est heureux.
La tête pleine d'aubes, j'avance poussant des portes sans battants.
Plus de lassitude. Arc-en-ciel de merveilles. C'est si beau le renouveau; le matin pense de partout. Est-ce possible ? Est-ce vrai ? Le mal, l'inquiétant, l'interminable mal, une nappe, une invisible nappe l'a fait disparaître.
Félicité ! Je n'ai plus à descendre.
Arrivée, une nouvelle arrivée. Le fleuve des arrivées s'écoule. Il n'y a plus que des arrivées.
22:44 Publié dans Henri Michaux | Lien permanent | Commentaires (0)
11/05/2011
La forme d'une ville
C'est un mur du 9è arrondissement de Paris où il est inscrit :
Si la poésie est morte dans les livres, elle est maintenant dans la forme des villes.
Nous savons depuis Baudelaire que La forme d'une ville change plus vite, hélas, que le coeur des humains, et Jacques Roubaud nous l'a rappelé maintes fois dans un recueil empruntant ce titre et dans lequel on peut lire ceci en hommage à Raymond Queneau :
Le Paris où nous marchons
n'est pas celui où nous marchâmes
et nous avançons sans flamme
vers celui que nous laisserons.
Alors saluons l'artiste mural, mais gare à toi graphiste, il n'est pas si sûr que la poésie livresque ait dit son dernier mot...
22:23 Publié dans Jacques Roubaud | Lien permanent | Commentaires (0)
08/05/2011
Emaz le juste
Oui, juste. C'est le mot qui vient immédiatement à l'esprit à chaque lecture d'Antoine Emaz. Justesse du sens, justesse des mots. Jamais de pose, une présence à chaque ligne, le ton d'un qui ne se regarde pas écrire. Un poète vivant, à lire de toute urgence.
être avec ceux qui se taisent
on se trouve juste engagé dans un jeu
désarticulant
et les poèmes deviennent comme des bulles
d'une souffrance insonore
cotoyée tous les jours
00:14 Publié dans Antoine Emaz | Lien permanent | Commentaires (0)
06/05/2011
La soif de savoir
A tous les autoditactes, à toutes celles et ceux qui chaque jour ont à coeur de savoir, de comprendre, de connaître, pour ne pas subir, pour ne pas périr, à vous tous Bernard Noël a écrit ces mots en 1954 :
moi
qui chaque jour creuse sous ma peau
je n'ai soif
ni de vérité ni de bonheur ni de nom
mais de la source de cette soif
(...)
je me souviens
et quelque chose fait le noir
pour développer ce moment
où le corps suait de la pensée
où la pensée démoulait le corps
10:06 Publié dans Bernard Noël | Lien permanent | Commentaires (0)
29/04/2011
Un peu de légèreté
Quittons un instant la stratosphère Juarroz et reprenons langue avec Perros le breton bourru, un qui n'a pas son pareil pour apporter, parfois, à la poétique des textes quelque jugement iconoclaste hautement recommandable :
Un poème est fait pour être lu, comme une femme pour être caressée. Un poème vieux garçon, ça n'existe pas.
21:57 Publié dans Georges Perros | Lien permanent | Commentaires (0)
28/04/2011
Vertige
Encore une fois quelques secondes de lecture d'un poème de Roberto Juarroz aboutissent à un vertige métaphysique. Une autre réponse possible à la question A quoi sert la poèsie ? : plonger en soi, plonger en l'autre, visiter un espace de pure intelligence.
Nous ne savons pas
quelle est la dernière rencontre avec quelqu'un.
Toutes les rencontres
peuvent être la dernière.
Et toutes les rencontres le sont
même s'il y en a d'autres.
Avec soi-même aussi.
C'est pourquoi le rendez-vous est improbable.
Le rendez-vous regarde le passé.
Et nous créons le passé
parce que seul le passé nous crée.
21:02 Publié dans Roberto Juarroz | Lien permanent | Commentaires (1)