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13/11/2010

Poétique des zincs, des trains et de la marge

Et revoilà l'ami Perros, l'irremplaçable Perros. Le seul capable de dire l'essentiel en dix lignes sur les bistrots, les gares et son propre rapport à l'écriture ! Et de lier le tout en une prose d'une absolue fluidité. A ce niveau ce n'est plus du grand art mais de la simple et pure magie.

J'aime le zinc d'un bistrot, c'est une manière d'approcher les hommes à distance, de les entendre, de les voir, sans risquer d'être pris pour autre chose qu'une forme d'homme en transit. C'est un peu comme dans les gares. J'aime être entre deux trains. Je respire alors la vie à pleine tête, à plein corps, parce que je sais que voilà du fugitif, du "qui va finir". Je suis un homme d'entre-deux, jamais en place, et si j'écris, c'est dans la marge. Le texte est ailleurs.

11/11/2010

Mouvements

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En 1951, Henri Michaux publie Mouvements, fascinant ballet de signes à l'encre noire, bouleversant portrait d'une humanité meurtrie. Quelques pages écrites au milieu du recueil tiennent lieu de commentaire. Une explication autant qu'une confession, d'une acide modernité, conclue par ces lignes :

Signes pour retrouver le don des langues

la sienne au moins, que, sinon soi, qui la parlera ?

Ecriture directe enfin pour le dévidement des formes

pour le soulagement, le désencombrement des images

dont la place publique-cerveau est en ce temps particulièrement engorgée


Faute d'aura, au moins éparpillons nos effluves.

09/11/2010

Souvenir du sentier

Pour oublier un temps le mur de pluie qui ondule sur les toits et les rues de la ville, un pan de mémoire s'échappe vers un sentier parcouru. Pierrier, névé, lac turquoise, l'Italie à main droite, une montagne de fer à main gauche... Souvenir aussi du sens de la marche, que l'on a trouvé en conclusion du Poème de la masse d'Antoine Emaz.

Marcher assez longtemps jusqu'à user en soi ce qui alourdit le corps et raccourcit le souffle.

A l'intérieur, de la peur, là. Savoir que l'on porte en soi quelque chose qu'on ne sait pas. Une sorte de gros paquet.

 

05/11/2010

Comme des gouttes de silence

Par une très douce soirée d'Automne, Claude Esteban s'en vient accompagner une chanson douce et triste de Bonnie Prince Billy, et c'est un murmure secret qui se love dans le coeur des hommes... Puisse-t-il vivre au-delà de cette page...

Il pleut très doucement dans un poème

et la ville est couchée là tout près comme un bon chien,

des choses passent et puis d'autres reviennent

 

il y a des mots qui sont lourds de soleil

et qui disent très bien la fourrure secrète d'une femme

et d'autres qui sont pleins de brume jusqu'au réveil

 

il pleut si doucement que c'est peut-être un autre monde

pareil à celui-ci mais sans hâte et sans orgueil

et c'est dans le dedans de soi comme des gouttes de silence

30/10/2010

Ne pas faire d'affront au réel

Encore une fois chez Franck Venaille : ces mots derrière lesquels la bannière de Vox Poetik se rangera humblement. Ne pas faire d'affront au réel... on s'en souviendra, et pas seulement lorsqu'il s'agira de traiter l'humeur du moment par un texte... s'en souvenir à tout instant du jour... se souvenir d'où l'on vient...

 

J’ai de l’amertume plein la bouche

Je suis allé chercher la poésie loin

Très loin ! Quel sens donner au mot

« Poétiques » ? Aucun. Il s’agit simple-

Ment de ne pas faire d’affront au réel.

24/10/2010

Roberto Juarroz, poète "Hors de prix"

La saison est au remise de prix littéraire : titre honorifique pour les uns, affront absolu pour d'autres, et garde-fou économique pour tous, les prix n'ont d'autre intérêt que de mettre en lumière quelques heures ou quelques jours un nom, une oeuvre. C'est toujours bon à prendre... Les poètes ont rarement cet honneur. Vox Poetik répare donc cet erreur et attribue son prix Hors de prix universel. Suivant le regard des jurés du Nobel, nous partons vers l'Amérique latine et le décernons à l'unanimité à Roberto Juarroz, dont nous rappelons ici sa définition de la poésie :

Le poème continu,

l'écriture continue,

le texte qui jamais ne s'achève

et ne s'interrompt jamais,

le texte qui équivaut à être.

 

La vie se convertit en un forme d'écriture

et chaque chose est une lettre,

un signe de ponctuation,

l'inflexion d'une phrase.

21/10/2010

Parenthèse

Aujourd'hui n'est pas un jour à poème. Quelque chose gronde dans ce pays, une colère enfle, brise les lignes. Et il en est qui feignent de ne pas comprendre. A leur aveuglement on confie ces lignes. Elles sont d'Albert Camus, prononcées lors du discours de réception de son prix Nobel en 1957.

Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde.

La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse.

Héritière d'une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd'hui tout détruire mais ne savent plus convaincre, où l'intelligence s'est abaissée jusqu'à se faire la servante de la haine et de l'oppression, cette génération a dû, en elle-même et autour d'elle, restaurer à partir de ses seules négations un peu de ce qui fait la dignité de vivre et de mourir.

10/10/2010

Chacun a son propre alcool

Nous sommes à Lisbonne entre 1914 et 1935, quelque part dans la Ville Basse, peut-être un 9 octobre... Fernando Pessoa s'est glissé dans l'ombre de Bernardo Soares, "l'homme debout près d'une fenêtre" pour reprendre la belle formule de Tabucchi, il se penche sur sa vie, il écrit une nouvelle note du Livre de l'intranquillité sans jamais savoir combien de vie il bouleversera avec ce livre...

Chacun de nous a son propre alcool. Je trouve assez d'alcool dans le fait d'exister. Ivre de me sentir, j'erre et marche bien droit. Si c'est l'heure, je reviens à mon bureau, comme tout le monde. Si ce n'est pas l'heure encore, je vais jusqu'au fleuve pour regarder le fleuve, comme tout le monde. Je suis pareil. Et derrière tout cela, il y a mon ciel, où je me constelle en cachette et où je possède mon infini.

05/10/2010

Creuser la brume

Lisant, relisant ces poètes, ce que l'on cherche n'a pas de nom défini... Ce que l'on trouve en porte parfois un : apaisement, soulagement... Philippe Jaccottet dans Le mot joie donne une superbe définition de cette quête :

Je suis comme quelqu'un qui creuse dans la brume

à la recherche de ce qui échappe à la brume

pour avoir entendu un peu plus loin des pas

et des paroles entre des passants échangées...

02/10/2010

Venaille encore

Une semaine a passé en compagnie de Franck Venaille. Parfois un recueil happe. On le lit comme un récit, comme un journal. On s'y abreuve de nouvelles sur nos contemporains par la grâce de la langue d'un seul. Le recueil a pour titre ça. On y reviendra, souvent.

Quel que soit le pari

Je le tiendrai

 

Quel que soit le risque

Je l’assumerai

 

Les mots – les mots – les mots –

Viendront alléger ma peine

 

Je suis là

Confiant dans le poème à venir

 

Tandis que le soleil blanc

S’étale disparaît revient

 

Faisant de moi l’orphelin d’écriture