10/01/2011
Les mots la nuit
Certaines pages ne se lisent que la nuit. Une lampe éclaire un coin de pièce, la rue n'est plus qu'un murmure, le son des pages que l'on tourne est presque un fracas. Les lignes de Claude Esteban se tendent toujours en cet instant :
Peut-être que tout est dit,
peut-être qu'on attend la nuit
pour écrire la même phrase.
***
Une lampe qui veille dans la nuit,
un coeur qui n'en finit plus de croire
quelqu'un invente son histoire
par-delà la fureur et le bruit.
***
Tu étais si belle dans le matin
que j'ai cru que je n'allais pas mourir.
23:23 Publié dans Claude Esteban | Lien permanent | Commentaires (0)
05/01/2011
Poésie métropolitaine
Ayant quitté 2010 dans les entrailles de la ville, entamons 2011 en évoquant à nouveau l'improbable métro parisien qui, ces jours-ci, orne ces stations de citations poétiques ! On leur emprunte ces mots de René Char qui seront les voeux que Vox Poetik adresse aux lecteurs de ces pages.
Impose ta chance, serre ton bonheur et vas vers ton risque.
A te regarder ils s'habitueront.
18:34 Publié dans René Char | Lien permanent | Commentaires (0)
23/12/2010
De République au sentier du vide
Une expérience existentielle et poétique est la pratique quotidienne des couloirs de la station République à laquelle on juxtaposera, une fois les portes du métro enfin refermées, la lecture de la Lettre à un vieux calligraphe de Kenneth White. Une manière comme une autre de justifier l'existence vitale de la poésie en milieu urbain.
Cent jours passés
par les grèves et les montagnes
à l'affût
du héron et du cormoran
puis écrire ceci
à la lisière du monde
dans un silence devenu
une seconde nature
et connaître à la fin
dedans le crâne, dedans les os
le sentier du vide.
00:49 Publié dans Kenneth White | Lien permanent | Commentaires (0)
16/12/2010
Chemins perdus
Le temps qui passe, c'est bien l'une des grandes affaires de la poésie. La ride, le souffle court, le cheveu blanc, la mélancolie... Que de lignes, que de pages, pour tenter d'affronter, et de vaincre par le verbe un instant seulement, l'ennemi invisible... Ainsi Yves Bonnefoy, parlant de chemins qu'il n'est pas bon de reparcourir.
Vous avez été l'évidence, vous n'êtes plus que l'énigme. Vous inscriviez le temps dans l'éternité, vous n'êtes que du passé maintenant, par où la terre finit, là, devant nous, comme un bord abrupt de falaises.
23:54 Publié dans Yves Bonnefoy | Lien permanent | Commentaires (0)
12/12/2010
Retrouvailles
Un recueil avait disparu de la bibliothèque, il réapparaît et c'est un bonheur. Le dehors et le dedans est le seul volume de poèmes laissé par Nicolas Bouvier, grand voyageur certes, mais surtout immense écrivain. Pour fêter ces retrouvailles voici, in extenso, Love song III, daté de décembre 1977.
Quand tisonner les mots pour un peu de couleur
ne sera plus ton affaire
quand le rouge du sorbier et la cambrure des filles
ne te feront plus regretter ta jeunesse
quand un nouveau visage tout écorné d'absence
ne fera plus trembler ce que tu croyais solide
quand le froid aura pris congé du froid
et l'oubli dit adieu à l'oubli
quand tout aura revêtu la silencieuse opacité du houx
ce jour-là
quelqu'un t'attendra au bord du chemin
pour te dire que c'était bien ainsi
que tu devais terminer ton voyage
démuni
tout à fait démuni
alors peut-être...
mais que la neige tombé cette nuit
soit aussi comme un doigt sur ta bouche.
21:14 Publié dans Nicolas Bouvier | Lien permanent | Commentaires (0)
08/12/2010
En passant par Bruxelles
En passant par Bruxelles, il faut se perdre au sixième sous-sol du Musée des Arts Royaux, qui a vraiment quelque chose d'un tombeau, et saluer Léon Spilliaert en pensant, pourquoi pas, à Henri Michaux :
Comme on détesterait moins les hommes s'ils ne portaient pas tous figures.
15:59 Publié dans Henri Michaux | Lien permanent | Commentaires (0)
30/11/2010
Première neige, bis
Lorsqu'elle tombe cette première neige, c'est aussi Yves Bonnefoy que l'on peut convoquer. Surtout Yves Bonnefoy... Poésie de circonstances ? Pas que... Poésie de l'intime qui tend vers l'Univers...
... Puis, vers le soir,
le fléau de la lumière s'immobilise.
Les ombres et les rêves ont le même poids.
Un peu de vent
écrit du bout du pied un mot hors du monde.
20:17 Publié dans Yves Bonnefoy | Lien permanent | Commentaires (0)
29/11/2010
Première neige
En ce jour de première neige, introduisons en ces notes la blancheur de l'hiver tout en lançant une passerelle fraternelle entre Kenneth White et Henri Michaux, à qui il dédia ce poème -
Propriétaire je suis moi aussi
j'ai douze arpents de silence blanc
tout au fond du cerveau.
- et saluons l'inventeur de la géopétique pour cet autre poème en forme de haïku hivernal :
Matin de neige à Montréal
Certains poèmes n'ont pas de titre
ce titre n'a pas de poème
tout est là, dehors.
18:59 Publié dans Kenneth White | Lien permanent | Commentaires (0)
28/11/2010
Michaux à Iquitos
Le 28 novembre 1928, Henri Michaux est à Iquitos, au coeur de l'Amazonie. De l'Equateur au Brésil il vient de traverser l'Amérique latine par la jungle, en pirogue, à cheval et à pieds. Rien de moins ! Il en ramène un journal de voyage, livre magique, essentiel, Ecuador, dans lequel on trouve l'un de ces plus beaux poèmes, Je suis né troué, confession brutale et fascinante du mal-être de l'homme occidental moderne...
J'ai sept ou huit sens. Un d'eux : celui du manque.
Je le touche et le palpe comme on palpe du bois.
Et c'est ma vie, ma vie par le vide.
S'il disparaît, ce vide, je me cherche, je m'affole et c'est encore pis.
Je me suis bâti sur une colonne absente.
14:43 Publié dans Henri Michaux | Lien permanent | Commentaires (0)
22/11/2010
Généalogie
A une table familiale, quand les générations s'additionnent et se font miroir, une onde passe en silence, entre le verre de vin et la tarte aux pommes. Que dit-elle ? Peut-être ce que pensait Paul Eluard dans Blason dédoré de mes rêves ( quel titre...) ?
Je suis fils de mes origines
j'en ai les rides les ravines
le sang léger la sève épaisse
les sommets flous les caves sombres
la rosée et la rouille
Je m'équilibre et je chavire
19:48 Publié dans Paul Eluard | Lien permanent | Commentaires (0)