30/08/2010
Une vie ordinaire
Déclarons ouverte une semaine en hommage à Georges Perros. Comme l'époque est propice aux visites de librairies dont les tables se couvrent de centaines de nouveaux romans, pensez à bifurquer vers le rayon poésie où se trouvera peut-être Une vie ordinaire de Georges Perros. Vous y lirez page 73 ce qui suit et peut être aurez-vous envie d'en lire plus, ce serait bien...
J'avance en âge mais vraiment
je recule en toute autre chose
et si l'enfance a pris du temps
à trouver place en moi je pense
voilà qui est fait et je suis
devenu susceptible au point
qu'on peut me faire pleurer rien
qu'en me prenant la main Je traîne
en moi je ne sais quelle santé
plus prompte que la maladie
à me faire sentir la mort
Tout m'émeut comme si j'allais
disparaître dans le moment
Ce n'est pas toujours amusant.
20:56 Publié dans Georges Perros | Lien permanent | Commentaires (0)
24/08/2010
Le dernier jour
C'est un corps à terre rue Montholon. Un corps recouvert d'un drap. Il y a une chaussure sur la chaussée, une perruque sur le trottoir. Des pompiers, la police. On n'en saura pas plus. On sait l'essentiel, le dernier jour, on sait la terreur et l'on pense à Roberto Juarroz...
Le jour où sans le savoir
nous faisons une chose pour la dernière fois
- regarder une étoile,
passer une porte
aimer quelqu'un,
écouter une voix -
si quelque chose nous prévenait
que jamais nous n'allons la refaire,
la vie probablement s'arrêterait
comme un pantin sans enfant ni ressort.
21:20 Publié dans Roberto Juarroz | Lien permanent | Commentaires (0)
23/08/2010
Pour se souvenir des soirs d'été
Il semblerait qu'Antoine Emaz soit plutôt un homme des terres atlantiques, des landes et du sable. Tant pis on lui empruntera quand même ces mots rares et précieux pour parler de certaines terres du Sud, jamais loin des montagnes.
Soir. De hauts nuages, de la lumière lente (...) A travers l'heure en reviennent d'autres, aussi bleues. A nouveau regarder.
Retrouver comment croire reprendre en main. Du calme et du bleu bien là pourtant. Du bleu surtout : le calme suit vite quand le bleu est tel, sans aucun vent.
Soir. Sans fin les yeux dans le ciel silencieux. On se dissout dans l'air, dans l'épaisseur cassée, poudroyée d'une seule couleur immensément fine et légère, à ciel ouvert.
16:21 Publié dans Antoine Emaz | Lien permanent | Commentaires (0)
20/08/2010
A jamais sur terre
Au lendemain d'un temps noir, Paul Eluard pense à René Char et lui dédie L'âge de la vie qui s'achève par ces vers pétris d'une fraternité que l'on voudrait clamer haut et fort dans ce pays qui parfois nous fait encore honte :
En dépit des pierres
à figure d'hommes
nous rirons encore
En dépit des coeurs
noués et mortels
nous vivons d'espoir
Rien ne nous réduit
à dormir sans rêves
à supporter l'ombre
Il n'y a sur l'heure
doute ni soupçon
d'une heure semblable
A jamais sur terre
tout remue et chante
change et prend plaisir
19:31 Publié dans Paul Eluard | Lien permanent | Commentaires (0)
09/07/2010
Coups d'arrêt
Dans la veine des aphorismes de Poteaux d'angle, Michaux livre, au crépuscule de sa vie mais au zénith de son acuité, quelques Coups d'arrêt :
Dans le bas de la mémoire, le ciel. Des restes. Des restes de lumière dont on ne sait que faire.
Et toujours plus bas chercher dans la citerne du corps.
Le solitaire sera éclaboussé par tous.
07:00 Publié dans Henri Michaux | Lien permanent | Commentaires (0)
03/07/2010
Une pensée
On aura laissé filer un peu de temps pour attendre qu'un moment d'absence passe. Et c'est chez Roberto Juarroz que l'on trouve le ressort pour dire un petit peu de l'indicible de nos vies...
La mort parfois nous frôle les cheveux,
nous dépeigne
et n'entre pas.
Est-ce une grande pensée qui l'arrête ?
Ou peut-être pensons-nous
quelque chose de plus grand que la pensée même ?
Et ceci encore, dans un autre poème :
Peut-être resterons-nous fixés sur une pensée,
la pensant pour toujours.
00:17 Publié dans Roberto Juarroz | Lien permanent | Commentaires (0)
06/06/2010
Un long poème pour l'été qui vient
Celui-ci est de Claude Esteban. Il est venu entre deux gares de Bourgogne alors que le train marquait le pas, que des fermes isolées glissaient lentement sur un fond de collines vertes et que les arbres et les haies devenaient ombres rasantes.
On est seul, on est content d'être seul, on s'est assis
devant la porte de chez soi et l'on attend sur une chaise
que quelque chose arrive d'irréparable, peut-être
presque rien, un oiseau qui chanterait ou ce nuage
qui ressemble un instant à une chevelure de femme
et qui se perd dans la queue rose d'un dragon, ce n'est
rien, c'est le soir simplement qui bouge sur la campagne
et comme on est content qu'il ne se passe que cela
car on a tant vécu, on aurait pu verser beaucoup de larmes
sur les autres, sur soi, et maintenant on ne peut plus
on reste là, il fait si bon parfois quand le soir tombe
et qu'on regarde simplement ses mains.
22:23 Publié dans Claude Esteban | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : esteban
05/06/2010
Michaux ne défile pas
Michaux ou l'art de dire non pour s'affirmer, de ne pas défiler sans se défiler, et de voyager autrement. Trois nouveaux extraits de Poteaux d'angle, inépuisable source de réflexion.
Tu laisses quelqu'un nager en toi, aménager en toi, faire du plâtre en toi et tu veux encore être toi-même !
Pour se délivrer d'incertitude, ils défilent pensant qu'ils déferlent, coeur d'enfants dans un corps de foule. Et toi ?
Non, non, pas acquérir. Voyager pour t'appauvrir. Voilà ce dont tu as besoin.
10:49 Publié dans Henri Michaux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : michaux
29/05/2010
Plein de larmes
Retrouver les mêmes mots chez deux écrivains dont on aime les oeuvres, c'est toujours un mélange de surprise et d'exaltation. Ainsi Henri Calet et Fernando Pessoa : de Calet on lit assez régulièrement, lorsqu'on le cite, les mots qui figuraient à l'ultime page de son dernier manuscrit inachevé, Peau d'ours :
Ne me secouez pas. Je suis plein de larmes.
Et chez Pessoa, on trouve ce ci, perdu au milieu du Cancioneiro, recueil disparate de textes que Pessoa signa sous son propre nom de Pessoa :
Mon coeur fait sourire
Mon coeur plein de larmes.
Après tant de marches et de haltes,
tant d'escales et de départs,
je serai celui qui va arriver
pour être celui qui veut repartir.
Vivre, c'est ne pas réussir.
Autant de mots que Calet aurait pu faire siens...
20:13 Publié dans Fernando Pessoa | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pessoa, calet
26/05/2010
Le sauveur des taiseux
Dans l'une de ses premières Poésies verticales, Roberto Juarroz s'est institué Saint-Patron des taciturnes, et tous les taiseux du monde au grand coeur peuvent le remercier.
Il est des paroles que nous ne disons pas
et que nous mettons sans dire dans les choses.
Les choses les gardent
et un jour nous répondent avec elles,
et nous sauvent le monde,
comme un amour secret
aux deux extrêmes duquel
il n'est qu'une seule entrée.
20:59 Publié dans Roberto Juarroz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : juarroz