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14/12/2009

Le sel de la langue

C'est un livre jaune qui attendait son heure sur les rayons de la bibliothèque. Pages maintes fois tournées pourtant sans que rien n'achoppe. Et puis un soir il revient en main et révèle dans sa dernière page le sens de son existence alors si discrète. Il donne la raison d'être de ces notes et, pour une fois, ce n'est pas un citation qui sera l'écho de ces mots mais un poème entier.

Ecoute, écoute  : j'ai encore

une chose à dire.

Ce n'est pas important, je sais, ça ne va pas

sauver le monde, ni changer

la vie de personne - mais qui

est aujourd'hui capable de sauver le monde

ou seulement de changer le sens

de la vie de quelqu'un ?

Ecoute-moi, je ne serai pas long.

C'est peu de chose, comme la bruine

qui commence lentement à venir.

Ce sont trois, quatre mots, guère

davantage. Des mots que je veux te confier.

Pour que ne s'éteigne pas leur feu,

leur feu bref.

Des mots que j'ai beaucoup aimés,

que j'aimerai peut-être encore.

Ils sont la demeure, le sel de la langue.

Eugenio de Andrade

 

13/12/2009

L'homme à tête de chou

Au théâtre du Rond-Point, Bashung chante Gainsbourg mis en mouvements par Gallotta : tragique, érotique et poignant. Au cours du spectacle, face aux corps qui s'empoignent et se rejettent, cette phrase de Michaux se glisse derrière les voix des deux grands absents :

Hommes et femmes au bord de l'abîme de l'amour, ne se rencontrant jamais.

17:44 Publié dans Henri Michaux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : michaux

12/12/2009

Trop

Vous avez dans vos poches de sobres et merveilleux objets technologiques emplis de mille milllions d'informations sur tout et son contraire. Vous circulez dans les rues de villes surchargées de vitrines. Vous vous perdez dans les dédales des liens hypertextes. La tête vous tourne. Vous suffoquez... et vous pourriez penser à Marcel Cohen qui sur un sujet analogue écrivait déjà ceci en 1969 :

Je me dis alors qu'il y a sur terre trop de villes, trop de fleuves, trop de nuances de sourire, trop de femmes, trop d'insectes, trop de poèmes, trop de pierres, trop de fleurs. Et je suis effrayé comme un enfant dans l'obscurité.

14:17 Publié dans Marcel Cohen | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cohen

09/12/2009

Vivre mode d'emploi (selon Perros)

A chaque semaine son Perros. Cette fois retour vers Une vie ordinaire et cet extrait que l'on aurait envie d'imprimer par millions et de jeter sur la voie publique.

Je soutiens

qu'on peut très bien vivre sans rien

pourvu que le matin nous trouve

prêt à reprendre l'aventure

C'est quand on respire en arrière

que le malheur creuse son trou

07/12/2009

Contribution poétique et portugaise à un débat idiot et français

Je suis moi-même ma patrie. La patrie

qui me fait écrire est la langue dans laquelle le hasard des

générations

m'a fait naître. Et celle qui me fait agir et vivre est cette

rage que m'inspire le manque d'humanité de ce monde-ci

puisque je ne crois pas à l'autre, et que la seule chose

que je voudrais,

c'est qu'il soit autre que ce qu'il est.

Jorge de Sena, in Peregrinatio ad loca infecta - 1969

05/12/2009

Artaud le supplicié

Soulèvements, une exposition conçue par Jean-Jacques Lebel à La Maison Rouge, Paris. Au sous-sol, une salle consacrée à Antonin Artaud. Reconstitution de la chambre de l'asile de Rodez. Au mur une radiographie de la colonne vertébrale d'Antonin Artaud. Ce commentaire : ...brisée lors d'une séance d'électrochoc... En 1946, Artaud se confie à Jacques Prevel :

Il y a un homme qui aurait besoin d'un corps qu'il n'a pas quand il y a tout ceux-là qui ne font rien. Tous ceux qui avaient quelque chose dans le ventre ont vécu en suppliciés ou se sont suicidés. C'étaient les mêmes il y a deux mille ans. Il faut mille milliards de siècles pour revivre.

21:36 Publié dans Antonin Artaud | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : artaud

03/12/2009

Cadeau

Bientôt Noël. Entrez dans une librairie. Pas n'importe laquelle. Pas une grande surface culturelle en tout cas. Une librairie avec des libraires dedans qui ne portent pas de gilet uniforme. Une librairie avec un nom qui sonne comme une profession de foi. Il y en a plein, cherchez bien. Entrez et demandez les Papiers collés de Georges Perros. Les trois tomes, c'est Noël. Papier cadeau. Choisissez parmi vos proches le plus bourru, celui qui cache un coeur d'or. Ce cadeau est pour lui.

Je ne témoigne pas pour l'homme d'aujourd'hui

ni pour celui d'hier ou de demain

je vis dans la stupéfaction d'en être

un, sans pouvoir me connaître.

22:43 Publié dans Georges Perros | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : perros

02/12/2009

La ville

Ville et poésie font un ménage heureux. Leur commerce est florissant depuis l'avénement du monde industriel et a jeté aux orties l'image d'Epinal du Poète méditant face à la nature sauvage. Et ce n'est peut-être pas un mal...

Les enseignes lumineuses palpitaient : c'était le corps de la ville; et ces figurations vivement taillées dans la nuit, cette écriture brusque, de nouveau vivante, étaient indéchiffrables pour un intrus. Nous comprenons si peu les beautés barbares de la civilisation...

Herberto Helder

08:02 Publié dans Portugal | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : helder

01/12/2009

Les jours du poème

Les jours tranchés par le couteau pâle des heures, les jours minces comme le filet d'eau qui suinte des mines, les jours du poème... Il ne sert de rien que le dise le poète... le poème est fait depuis toujours. Vent solitaire. Serre desséchée et brisée d'un oiseau puissant et calme, vieux par son âge et courageux par son agonie.

Alvaro Mutis accomplit le tour de force d'être l'auteur d'une oeuvre de poète et de romancier d'égale qualité. Suprême élégance : il fit naître dans ses poèmes le personnage, Maqroll le Gabier, qui lui assura sa bonne fortune romanesque. Chapeau bas !

16:45 Publié dans Alvaro Mutis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mutis

29/11/2009

L'homme en gabardine

Vous croisez peut-être près de chez vous cet homme à l'aspect falot en complet terne, petit chapeau, lunettes rondes, regard triste et gabardine grise. Un homme parmi les hommes. Vite dépassé, vite oublié. Et pourtant... un jour il fut Fernando Pessoa et sous le nom de Bernardo Soares, il rentrait chez lui, pliait sa gabardine et écrivait Le livre de l'intranquillité.

Je suis les faubourgs d'une ville qui n'existe pas, le commentaire prolixe d'un livre que nul n'a jamais écrit. Je ne suis personne, personne. Je suis le personnage d'un roman qui reste à écrire, et je flotte, aérien, dispersé sans avoir été, parmi les rêves d'un être qui n'a pas su m'achever.

00:21 Publié dans Fernando Pessoa | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pessoa