01/11/2018
Danse, bel écureuil du temps
Sur le canevas du temps, pas d'équation impossible : qu'une saison passe sans un mots, ce n'est qu'un pont entre deux dates. Et le récit reprend : la voix des poèmes pour entendre aujourd'hui ce qu'hier et demain nous murmurent.
Claude Esteban, extrait de Conjoncture du corps et du jardin.
Demain n'est plus. C'est hier qui triomphe au pied des immortelles. Tout reprendre à rebours. Sans hâte, avec les mots. Danse, bel écureuil du temps, sur notre histoire. Saute, d'un siècle à l'autre. Hop, l'infini ! Les vieux calculs griffonnés sur l'ardoise, comme ils s'effacent dans le cœur d'un homme soudain nu.
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09/01/2018
Les voeux du hasard
Surtout pas de résolution, s'affirmer et changer, poursuivre le chemin, franchir les ravins, vivre avec le vertige de vivre.
Surtout pas suppliques, s'ouvrir aux voix, les vivantes en rires et murmures, les défuntes qui nous parlent de la nuit et de la lumière.
Et chaque matin laisser l'une d'entre elles nous rendre force et paix.
Pour saluer 2018, ouvert au hasard, Claude Esteban, Morceaux de ciel, presque rien, page 127.
Belle vie à vous.
Ce sera
au petit matin, quand les oiseaux
commencent, il y aura
du vent, à peine ce qu'il faut de vent
pour que les feuilles bougent
très doucement
une femme dira, sens-tu
comme les jours fraîchissent, réchauffe-moi
et je reconnaîtrai
la voix et le sourire de cette femme et
ce sera comme si le matin s'attardait
dans une chambre
et qu'il n'y ait plus, tout un instant,
ni d'ombre, ni de malheur.
09:20 Publié dans Claude Esteban | Lien permanent | Commentaires (2)
06/05/2017
Un sourire entre les pierres
Ici Paris, tension, convulsion, répulsion. Les yeux brûlent. Le réel s'orne de figures blêmes, parle la langue des blattes, chaque jour beauté mutilée.
On cherche la finesse, on réclame l'intelligence, on voudrait une sérénité inaccessible. Les vivants sont perdus, seuls les disparus parlent au coeur.
Leur silence, leur élégance traversent le temps et sont un baume. Claude Esteban est la voix qui nous caresse. Extrait de Sur la dernière lande.
Et peut-être que tout était écrit dans le livre
mais le livre s'est perdu
ou quelqu'un l'a jeté dans les ronces
sans le lire
n'importe, ce qui fut écrit
demeure, même
obscur, un autre qui n'a pas vécu
tout cela
et sans connaître la langue du livre, comprendra
chaque mot
et quand il aura lu, quelque chose
de nous se lèvera
un souffle, une sorte de sourire entre les pierres.
12:20 Publié dans Claude Esteban | Lien permanent | Commentaires (0)
08/12/2014
Quelqu'un, encore une fois
Parfois, tous les jours se ressemblent, et c'est tant mieux, finalement. Ne pas craindre la répétition, enchâsser sur la même chaîne ces jours de rien qui auront leur grandeur au moment du décompte. Ne pas fuir la répétition, la magnifier, la sereinement conter. Et donc, répéter encore une fois que Claude Esteban écrivit dans La mort à distance le plus implacable et le plus essentiel commentaire sur la beauté de l'existence humaine tout en narrant sa finitude.
Quelqu'un, et c'est n'importe qui, dispose de ma tête comme d'une maison vide, il entre, il sort, il claque chaque porte derrière lui et j'assiste impuissant à ce tintamarre.
Quelqu'un, et c'est peut-être moi, prend mes pensées les plus secrètes et les froisse dans sa main et les recouvre de poussière.
Quelqu'un et beaucoup de temps a passé, traverse lentement la chambre et s'arrête et contemple, sans me voir, le saccage.
Quelqu'un, n'importe où, ramasse les morceaux de mon ombre.
23:28 Publié dans Claude Esteban | Lien permanent | Commentaires (0)
21/05/2014
Comme quelqu'un dans un poème
Dans Morceaux de ciel, presque rien de Claude Esteban, quelqu'un est un homme ou une femme, quelqu'un est poète ou vagabond ou danseur ou berger ou boulanger... Quelqu'un est tous les êtres de la terre, quelqu'un est en vie et ne veut pas que cette vie cesse. Quelqu'un doit nous accompagner, toujours.
Comme quelqu'un qui cherche à lire
et qui ne déchiffre plus les mots du livre
comme quelqu'un qui tend la main et toutes les mains
se détournent
comme quelqu'un qui a beaucoup marché
et maintenant il ne sait plus s'il doit faire halte
comme quelqu'un
qui ressemble à ce qu'il n'est pas
et quelque chose se rebelle en lui
et puis s'apaise.
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16/12/2013
Le voyage immobile
Mêlez l'oud, le piano et l'accordéon du Voyage de Sahar d'Anouar Brahem aux pages de Conjoncture du corps et du jardin de Claude Esteban, baissez les lumières, laissez un murmure de soie empreindre la pénombre... et c'est comme si on lisait à même un coeur, comme si on entendait, enfin, le chant d'une peau...
J'ai refermé, sans le finir, mon livre. Qu'importent les mots clairs ? Toutes les pages lues parlaient d'un soleil immobile. Je n'ai pas vu l'ombre s'accroître sur le mur.
22:45 Publié dans Claude Esteban | Lien permanent | Commentaires (0)
13/10/2012
Esteban pour mémoire
De toutes les voix qui viennent en écho dans la mémoire de ces pages, celle de Claude Esteban impose un silence à nulle autre pareille. Ses mots sont ceux d'un homme ayant parcouru tout le chemin, et qui au dernier virage, près de la mer, nous laisse un message, nous laisse sans voix.
Je me suis projeté dans le jour
comme une pierre, j'étais
fou, je n'avais que ma tête pour
me défendre, la mémoire
d'un autre souffle pour avancer,
n'importe, il fallait
que la chair se précipite
vers sa blessure, qu'il y ait
cette fureur
clouée contre les épines
ce cri,
comme en éclats.
00:25 Publié dans Claude Esteban | Lien permanent | Commentaires (0)
09/12/2011
Présent, passé, futur
Petit collage de trois temps de La mort à distance de Claude Esteban. Valse lente où présent, passé et futur s'enlacent. Commune alliance pour tenir au loin, du bout de lèvres, l'instant qu'on ne saura nommer...
Ce n'est
rien, c'est le coeur qui s'étonne
de ne pas souffrir.
***
J'espérais parfois, tout un jour,
le mot juste, le mot
qui chasserait la peur
puis j'oubliais.
***
J'avancerai, je chercherai
jusqu'à la fin
je perdrai courage, je
reprendrai de plus loin, je reconnaîtrai
la maison.
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08/09/2011
La mort à distance
On aimerait qu'il n'existe pas ce recueil de Claude Esteban, l'ultime, La mort à distance. Il serait aussi simple de ne pas le lire et de ne pas y revenir. Mais on a soldé le compte de la simplicité. L'on sait aussi que les mots du poète aux dernières heures de son voyage seront peut-être, un jour, de solides compagnons...
J'aurais voulu qu'une goutte de pluie
m'abreuve
j'enviais la soif parfaite
des fourmis.
***
Découvrant, déchiffrant
sur chaque grain de sable
l'écriture éclatée
du vent.
***
Nos vieilles blessures
sont les plus précieuses
elles nous épargnent de souffrir
demain.
22:09 Publié dans Claude Esteban | Lien permanent | Commentaires (0)
12/07/2011
L'insupportable
Il arrive que le poème nous mène à lire l'insupportable, mais l'on poursuit la lecture. Le don du poète, son talent autant que son offrande, est de nous apprendre à supporter ce qui nous broie. Plus qu'aucun autre, parfois, Claude Esteban fut dans cette voie...
A la même heure du soir un mot
s'efface, un
autre et c'est chaque soir comme un peu
de moi qui meurt
car il suffit
qu'une chose n'ait plus de nom
pour que toute la phrase du monde
se défasse
et la mémoire ne peut
rien et c'est chaque soir comme si
ce peu de moi bougeait chaque fois
moins, bougeait encore.
00:37 Publié dans Claude Esteban | Lien permanent | Commentaires (0)