31/01/2012
Hamlet, Juarroz et le vent
Juarroz est la seule voix argentine de ces pages. ll y en a d'autres, c'est sûr. D'ailleurs, si Vox Poetik était un journal musical, la voix de Mercedes Sosa envahirait vos oreilles, mais comme il n'est ici question que d'écriture, c'est la voix singulière de Juarroz qui nous donne rendez-vous. Ou comment envoyer Hamlet, et nous avec, errer un peu plus dans une lande métaphysique et poétique.
Etre
et rien de plus.
Jusqu'à ce que se forme un puit en-dessous.
Ne pas être
et rien de plus.
Jusqu'à ce que se forme un puits au-dessus.
Ensuite,
entre ces deux puits
le vent s'arrêtera un instant.
22:02 Publié dans Roberto Juarroz | Lien permanent | Commentaires (1)
27/01/2012
Poème, sans bouger
C'est la fin d'un poème d'Antoine Emaz, Poème sans bouger. Il y est question de mer, de vent, d'odeurs salées, du Nord... un appel venant d'ailleurs. L'on voudrait que l'immense ville cède soudain la place à cet ailleurs...
les mots la mer
plient la rue le ciel
l'été ploie
//
une vague l'autre
efface
le coeur se calme
et le corps devient d'air
dans l'ondulation lente
l'eau verte
ici
nulle part
pas plus loin les mots comme
le souffle
dénoué au large
dans l'eau et l'air
libre
//
lente est la nuit qui vient
et repose la ville
reflux
on se rassemble
la rue est bleue
22:01 Publié dans Antoine Emaz | Lien permanent | Commentaires (0)
24/01/2012
Relais
Quittons Perros en douceur, laissons lui passer le relais à l'un de nos contemporains, Antoine Emaz. Leurs mots parlent des fondements même de la poésie, se font écho, aident à cartographier un territoire intime qui est peut-être notre dernière terra incognita.
Perros : Vivre avec un être aimé qui est mort. Le poème, c'est cela, avec les mots.
Emaz : Un poème, c'est de la langue sur une émotion qui rend muet. Il va contre ce mutisme, il est donc un exercice de lucidité, d'élucidation.
18:12 Publié dans Antoine Emaz | Lien permanent | Commentaires (0)
20/01/2012
Un dernier Perros pour la route
Le voilà, cet ultime (?) recueil de poèmes signé Georges Perros. On le doit donc aux éditions Finitude dont le catalogue est un hommage permanent à la littérature, construit autour de voix qui, sans esbrouffe, sont au diapason de ce que Perros dit lui-même, ailleurs : Il n'y a qu'une langue à traduire : la sienne. Reculer le plus longtemps possible les références. Trouver une parole de traverse.
Bravo et merci à ces éditeurs rares de nous permettre de lire une aussi pure pépite, un manifeste poétique aussi humble qu'essentiel :
Pour remplacer tous les amours
que je n'aurai jamais
et ceux que je pourrais avoir
j'écris
Pour endiguer le flux reflux
d'un temps que sillonne l'absence
et que mon corps ne peut tromper
j'écris
Pour graver en mémoire courte
ce qui défait mes jours et nuits
rêve réel réel rêvé
j'écris
09:24 Publié dans Georges Perros | Lien permanent | Commentaires (0)
18/01/2012
Poésie, c'est exil
La parole est toujours à Georges Perros : en cette année de crise doublée d'incurie électorale, il est bon de se fabriquer un manuel de survie. Puisé dans Papiers collés III, ce qui suit pourrait peut-être servir; c'est une piste en tout cas, un itinéraire de délestage, une balise dans la sortie du port, une voie de sauvegarde par une voix à nulle autre pareille.
Poésie, c'est exil. On n'aime que les exilés. Joyce, Musil, Artaud. On peut l'être en plein Paris. Il n'y a pas de géographie de l'exil. C'est être nulle part. N'importe où. Sur la terre. Avant d'en faire partie. Intégrante. Dessous. Dedans. Poésie, c'est impossibilité d'être quoi que ce soit dans un monde qui ne cesse de nous demander notre identité. Notre fiche de futur dégringolé. L'intérêt est ailleurs. Sur la terre. Mais ailleurs. Sur la terre. Cherchons.
19:21 Publié dans Georges Perros | Lien permanent | Commentaires (0)
16/01/2012
Brève lettre à Georges Perros
"Cher Georges, vous revoilà, vous manquiez. Il y a longtemps, une saison, que l'on ne vous avait pas invoqué, ni convoqué. Ce n'était pas un désamour, mais quelque besoin d'aller chercher dans vos pages matière à passer l'hiver. Et cette semaine va être la vôtre, puisque - on a bien fait d'attendre - a ressurgi sur les tables des bonnes librairies une réédition, chez Finitude, de poèmes rares, de ceux que vous offriez pour la fête des mouettes de Douarnenez, entre autres. Le livre est là, lu, et on y reviendra vite. En attendant, il y a ce texte d'ouverture des Papiers Collés III qui s'entête à revenir sans cesse en tête et c'est avec lui que voulons sceller ces retrouvailles, et vous remercier encore une fois d'avoir si bien écrit et décrit notre condition... Bien à vous."
L'homme m'est impensable qui n'éprouve pas, tous les jours, fût-ce un quart d'instant, le vide, l'impossible à vivre. C'est ce quart d'instant qui me passionne. Qui a fait ma vie. Ce quart sans la moindre référence, le moindre souvenir, la moindre hérédité. Ni cruel ni pessimiste ni perceptible à qui que ce soit. C'est comme une douleur furtive qui vous traverse, comme un avion passe un nuage. Il vaut mieux être seul quand elle se déclare. Tout de même. Parce que justement, quoi qu'on fasse à ce moment-là, on n'a qu'une envie, la suivre, cette douleur, voter pour elle.
18:54 Publié dans Georges Perros | Lien permanent | Commentaires (0)
08/01/2012
Message à caractère informatif et révolutionnaire
La revue Cassandre/Horschamp publie un nouveau numéro auquel Vox Poetik accorde tout son soutien. Qu'on en lise le propos et l'on comprendra pourquoi lire de telles lignes en 2012 semble essentiel, vital peut-être :
"Les mots sont importants. Si un autre monde est possible, il n’adviendra qu’avec une révolution poétique du monde, une civilisation où le poème – écrit, peint, chorégraphié, chanté – est reconnu « produit de très haute nécessité ». "
On y ajoutera ces vers de Sylvia Plath, poétesse majeure et suicidée, pour nous donner la force de croire en ce pouvoir inaliénable de la langue poétique :
Secs, sans cavalier, les mots
et leur galop infatigable
Quand
depuis le fond de l'étang, les étoiles
régissent une vie.
20:45 Publié dans Sylvia Plath | Lien permanent | Commentaires (0)
06/01/2012
Saisir la lumière
A toutes et tous : merci de lire ces pages. Que le meilleur et le plus juste vous soit offert.
Ici, le voyage se poursuit, la route des mots n'est-elle pas infinie ?... Les haltes seront tour à tour douces ou violentes, touchantes ou effrayantes, limpides ou opaques, comme la vie. Les passagers seront de vieux compagnons chaleureux ou de nouveaux héros mystérieux, et tous seront là pour nous aider à franchir les gués de nos jours et de nos nuits, les plus calmes comme les plus impétueux.
Pour entamer cette nouvelle année, Vox Poetik répare tout d'abord une grave injustice : une voix de femme, enfin, s'élève et nous parle : Annie Ernaux, dans les dernières lignes de Les années. Que sa conclusion soit désormais notre devise.
(...) elle voudrait saisir la lumière qui baigne des visages désormais invisibles, des nappes chargées de nourritures évanouies, cette lumière qui était déjà là dans les récits des dimanches d'enfance et n'a cessé de se déposer sur les choses aussitôt vécues, une lumière antérieure.
Sauver quelque chose du temps où l'on ne sera plus jamais.
23:26 Publié dans Annie Ernaux | Lien permanent | Commentaires (0)