30/01/2014
Hiver
Une fois n'est pas coutume, l'extrait du jour sera long, comme l'est l'hiver, comme l'est ce poème d'Antoine Emaz. On a bien tenté de l'incurver, de le creuser, de le fouiller, mais il était déjà au plus près du nu. Les mots malaxés et retournés comme de la tourbe, plus rien à bouger, juste répéter et faire passer.
le ciel se défait
en sous-couches successives
se délite
on a les mots en main
comme des étoiles
qui tiennent mal
***
continuer le travail
passer delà cette coque de ciel
ou s'écraser
***
on tourne autour de quel vrai
mal en mots
on gravite avec les mots autour
de quoi
muet
qui force à tourner autour
***
encore une fois
l'élan l'impact
et le corps s'amenuise
***
à chaque fois
il y a ce redressement
et les mots reviennent
d'où plus loin que les mains
dans les mains
comme des muscles nets
plus maigres
à l'intérieur
à chaque fois émerger
c'est étrange
ça parle juste
de travers
09:07 Publié dans Antoine Emaz | Lien permanent | Commentaires (0)
20/01/2014
Mantras
Certes, on ne répétera pas en boucles ces mots d'Emmanuel Dall'aglio mais pourtant ils ont bien valeur de mantras... Là, vivant dans un coin de l'esprit, posés sur le beau papier des livres du Cheyne... et depuis tant d'années ils aident, ils soutiennent, prenant au gré des saisons une force, une densité, une intensité qu'on ne soupçonnait pas à leur découverte, il y a déjà vingt ans...
Aime ce jour, cette nuit
et tout ce qui vient trop tard...
Ainsi se rencontrent les saisons.
***
L'évidence m'est nomade.
***
Nomade, comme l'inutile
intempérie du coeur...
***
D'inconsolables sabliers,
d'inguérissables vides.
22:49 Publié dans Emmanuel Dall'aglio | Lien permanent | Commentaires (0)
10/01/2014
La voix vide
Le parquet grince, les enfants dorment, des arpèges, bientôt minuit... Un moment vient, fine ligne cerclant la nuit. Un moment de rien, mouvement ténu, clos et ouvert, traces de naissance et de fin. Tout en un, moment vertige, inabouti, impalpable... Seule la poésie peut le dire, et encore... faut-il aussi s'appeler Roberto Juarroz.
Une arête dans la gorge
peut évider la voix.
Mais la voix vide parle aussi.
Seule la voix vide
peut dire le saut immobile
vers nulle part,
le texte sans paroles,
les trous de l'histoire,
la crise de la rose,
le rêve de n'être personne,
l'amour le plus désert,
les cieux abolis,
les fêtes de l'abîme,
la conque brisée.
Seule la voix vide
peut parler du vide.
Ou de son ombre claire.
23:58 Publié dans Roberto Juarroz | Lien permanent | Commentaires (0)
02/01/2014
S'étonner du rien
L'âme adore nager, écrivait Michaux. Celle de Roberto Juarroz plongeait et volait, et revenait au monde nantie d'une poésie qui alliait la méditation à la sensualité du vide, mais peut-être est-ce la même chose... ? Poème 19 de la 11é Poésie verticale.
Veille de l'émerveillement,
postériorité de l'émerveillement.
Entre les deux durées
uniquement un trou.
L'imminence et son couchant :
rives du vide.
Rien que le temps suspendu.
Rien qu'une clairière
dans la forêt du temps.
C'est la plus pure clarté :
s'étonner du rien.
Le rien s'étonne du rien.
23:15 Publié dans Roberto Juarroz | Lien permanent | Commentaires (0)