30/08/2013
Habiter le poème
Cartographe du silence, géographe des sentes solitaires, Antoine Emaz est définitivement le compagnon de route des marcheurs. Ou quand le poème s'inscrit autant au gré des pas qu'au fil de la pensée. Dernier soleil d'été : marchons avec ces lignes du Poème au calme.
Quand on marche dans un pré immense, un matin de givre, rien ne se dit ni dedans ni dehors.
Silence vaste.
Celui qui doit se taire est occupé à se réduire au silence. Le silencieux, lui, n'a rien à dire. Seulement reposer dans le rien dire.
***
Ce paysage traversé chaque jour surprenait : peu à peu, on ne le découvre plus que rarement : on l'habite.
A la limite, on ne le voit même plus, on est dedans, au large.
Ainsi pour certains textes qui deviennent de vrais lieux.
Des espaces où s'allège un peu le poids.
10:37 Publié dans Antoine Emaz | Lien permanent | Commentaires (0)
24/08/2013
La nuit
Voyageur muet adossé au soleil de l’été, tu peuples d’ecchymoses l’envers de ta peau, marques que ton silence étend avec soin.
Nul oubli, nul répit, l’encre de ta voix file dans le lait de l’aube et René Char lui répond, du fond de La parole en archipel :
Il ne fallait pas embraser le coeur de la nuit. Il fallait que l'obscur fut maître où se cisèle la rosée du matin.
La nuit déniaise notre passé d'homme, incline sa psyché devant le présent, met de l'indécision dans notre avenir.
Je m'emplirai d'une terre céleste.
Nuit plénière où le rêve malgracieux ne clignote plus, garde-moi vivant ce que j'aime.
02:09 | Lien permanent | Commentaires (0)
09/08/2013
Montagnes
L'intimité qui se noue avec la voix d'un poète passe aussi par le partage d'une terre commune. Qui va sur les sentiers des montagnes ne saurait être insensible à ces fragments de Philippe Jaccottet, et au retour dans la plaine, c'est encore un peu de l'air des cimes qui passe dans le regard et sur nos corps.
La parfaite douceur est figurée au loin
à la limite entre les montagnes et l'air :
distance, longue étincelle
qui déchire, qui affine
***
Dans l'étendue
plus rien que des montagnes miroitantes
Plus rien que d'ardents regards
qui se croisent
Merles et ramiers
***
Et des nuages très haut dans l'air bleu
qui sont des boucles de glace
la buée de la voix
que l'on écoute à jamais tue
11:10 Publié dans Philippe Jaccottet | Lien permanent | Commentaires (0)