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26/04/2013

Magenta, et ailleurs

A quoi pense-t-on parfois en descendant le Magenta, face au soleil du printemps, collage de brume et de klaxons, dans les hôtels on déjeûne, et les gares libèrent leurs effluves de voyages, petits ou grands... Un poème revient en tête, de Jean-Michel Maulpoix, dans Une histoire de bleu.

Ecrire m'est affaire de partance.

De quais de gares et d'aéroports, de valises faites et défaites, de piles de chemises ou de livres, et d'encre noire qui vire au bleu. Cette vie-ci sur les épaules et tant d'autres dans la tête, je serre autour de moi ma propre chair. Mes visages sont comme mes paroles : je ne m'y installe guère. Couloirs plutôt, ils donnent sur des chambres. Je cogne aux portes et vais de défaites en abdications. Les jours de mes chimères sont comptés.

13/04/2013

Dire et redire

Sur une page, sur une toile, sur un bloc de pierre, sur une image, vous posez une idée, une sensation, une émotion. Geste aussitôt suivi d'une impression de redite qui vous incommode. Peu importe, continuez, poursuivez ce chemin concentrique et si vous doutez, reportez-vous à ce qui suit. Dans Pas à pas jusqu'au dernier, son ultime ouvrage, Louis-René des Forêts livre d'entrée cette leçon, à méditer en tout instant de découragement.

Dire et redire encore, redire autant de fois que la redite s'impose, tel est notre devoir qui use le meilleur de nos forces et ne prendra fin qu'avec elles.

10/04/2013

Ne plus jamais purifier

Vraiment, il est des jours où le spectacle du monde étouffe, où le mille-feuilles des turpitudes et incohérences humaines devient par trop indigeste, où l'on voit revenir des mots souillés que l'on pensait indicibles. Purifier disent-ils... comme si ce chemin n'avait jamais mené au charnier...

Alors en ces jours comme en d'autres, bien meilleurs, tout n'est pas noir, loin de là, restons encore une fois sur une page de Michaux... Lorsqu'il écrit Emportez-moi son humeur n'était peut-être pas politique, mais faisons quand même nôtre aujourd'hui ce poème de sauvegarde.

Emportez-moi dans une caravelle,

dans une vieille et douce caravelle,

dans l'étrave, ou si l'on veut dans l'écume,

et perdez-moi au loin, au loin.

 

Dans l'attelage d'un autre âge.

Dans le velours trompeur de la neige.

Dans l'haleine de quelques chiens réunis.

Dans la troupe exténuée des feuilles mortes.

 

Emportez-moi sans me briser, dans les baisers,

dans les poitrines qui se soulèvent et respirent,

sur les tapis des paumes et leur sourire,

dans les corridors des os longs et des articulations.

Emportez-moi, ou plutôt enfouissez-moi.

03/04/2013

A la mémoire des poètes lamentables

Hier, le mot poésie a fait la une d'un grand quotidien national (Libération), quelle chance ! Malheureusement c'est M. Houellebecq qui en parlait. Et, comme souvent, ce triste provocateur dit des choses un peu bêtes, assénées comme de suprêmes vérités. Ainsi la poésie contemporaine serait lamentable et ne vaudrait rien à côté de celle du 19è siècle... Misère, voilà, en une ligne, un siècle d'écrits foutu à la poubelle !... Que dire, sinon redonner très vite la parole à l'un de ces poètes "lamentables", Henri Michaux par exemple, dans un extrait de Je suis né troué, et renoncer, encore une fois, à lire Libé...

C'est à gauche, mais je ne dis pas que c'est le coeur.

Je dis trou, je ne dis pas plus, c'est de la rage et je ne peux rien.

J'ai sept ou huit sens. Un d'eux : celui du manque.

Je le touche et le palpe comme on palpe du bois.

Mais ce serait plutôt une grande forêt, de celles qu'on ne trouve plus en Europe depuis longtemps.

Et c'est ma vie, ma vie par le vide.

S'il disparaît, ce vide, je me cherche, je m'affole et c'est encore pis.

Je me suis bâti sur une colonne absente.