29/05/2010
Plein de larmes
Retrouver les mêmes mots chez deux écrivains dont on aime les oeuvres, c'est toujours un mélange de surprise et d'exaltation. Ainsi Henri Calet et Fernando Pessoa : de Calet on lit assez régulièrement, lorsqu'on le cite, les mots qui figuraient à l'ultime page de son dernier manuscrit inachevé, Peau d'ours :
Ne me secouez pas. Je suis plein de larmes.
Et chez Pessoa, on trouve ce ci, perdu au milieu du Cancioneiro, recueil disparate de textes que Pessoa signa sous son propre nom de Pessoa :
Mon coeur fait sourire
Mon coeur plein de larmes.
Après tant de marches et de haltes,
tant d'escales et de départs,
je serai celui qui va arriver
pour être celui qui veut repartir.
Vivre, c'est ne pas réussir.
Autant de mots que Calet aurait pu faire siens...
20:13 Publié dans Fernando Pessoa | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pessoa, calet
26/05/2010
Le sauveur des taiseux
Dans l'une de ses premières Poésies verticales, Roberto Juarroz s'est institué Saint-Patron des taciturnes, et tous les taiseux du monde au grand coeur peuvent le remercier.
Il est des paroles que nous ne disons pas
et que nous mettons sans dire dans les choses.
Les choses les gardent
et un jour nous répondent avec elles,
et nous sauvent le monde,
comme un amour secret
aux deux extrêmes duquel
il n'est qu'une seule entrée.
20:59 Publié dans Roberto Juarroz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : juarroz
24/05/2010
Vie imaginaire
Au sortir d'un rêve dont les images et sensations imprègnent fortement le tissu du réel, on pensera à Perros qui dans Une vie ordinaire parlait avec justesse de ces vies imaginaires dont on ne cessera jamais de s'étonner...
J'ai force suffisante en moi
pour me lever chaque matin
Le dur est de s'acclimater
à nouveau après cette halte
en luminosité lunaire
où le rêve tisse une toile
que l'on déchire dans la rue
Pas à pas ramendons filet
de notre vie imaginaire.
17:04 Publié dans Georges Perros | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : perros
18/05/2010
Le pollen d'autrui
Dans le choeur imaginaire de la poésie, telle qu'elle se dessine ici, on ne saurait trouver deux voix plus différentes qu'Eluard et Michaux : la fraternité solaire contre le solitaire, une certaine idée de l'engagement politique contre une défiance absolue envers toute doctrine, un torrent de mots contre le goût de l'aphorisme, le désir du peu... Et pourtant chez l'un et l'autre, une même exigence, une même rigueur : se révéler au miroir du poème et par là-même accepter ce monde, et y vivre.
Je ne vois clair et je ne suis intelligible
que si l'amour m'apporte le pollen d'autrui
Je m'enivre au soleil de la présence humaine
Je m'anime marée de tous ses éléments
Je suis crée je crée c'est le seul équilibre
C'est la seule justice
07:12 Publié dans Paul Eluard | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : eluard
13/05/2010
Michaux le combattant
Non, ce n'est pas une obsession... Juste l'hommage permanent à celui qui, durant 60 ans d'exercice poétique, échaffauda un modéle de pensée valide hier, nécessaire aujourd'hui, vital demain... Jamais, peut-être artiste de lettres, ne fut plus libre des dogmes que Michaux, jamais on n'écrivit manuel de combat par et pour l'esprit aussi incisif que Poteaux d'angle.
C'est à un combat sans corps qu'il faut te préparer, tel que tu puisses faire front en tout cas, combat abstrait qui, au contraire des autres, s'apprend par la rêverie.
Quoi qu'il t'arrive, ne te laisse jamais aller - faute suprême - à te croire maître, même pas un maître à mal penser. Il te reste beaucoup à faire, énormément, presque tout. La mort cueillera un fruit encore vert.
Tu peux être tranquille. Il reste du limpide en toi. En une seule vie tu n'as pas pu tout souiller.
12:45 Publié dans Henri Michaux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : michaux
11/05/2010
Au pied du mur
A chaque lecture il apporte son lot de réflexions et de sensations. Il s'adapte au temps, aux humeurs car tout un chacun atteint un jour son propre mur. Et chacun doit trouver les réponses aux questions que posent le mur. Et il arrive qu'un poème aide à chercher, au moins à chercher. Le Poème du mur d'Antoine Emaz est l'un de ces poèmes.
Face au mur, les pages ont peu d'importance : les mots ne sauvent pas.
Ils retardent tout de même un peu la fin.
A force de retarder...
On ne sait pas.
-
Le mur : ce qui interdit.
-
On se demande parfois si, un jour, on arrivera à se libérer de ce qui encombre depuis longtemps et dont on n'a jamais voulu, quand on y réfléchit bien. Mais qui reste là.
08:53 Publié dans Antoine Emaz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emaz
07/05/2010
Infinis visages du vivant
Dans un monde battu de vents fous, que peut la fine ligne du poème, quel sort pour son auteur ? Rien d'autre que ce à quoi le destinait René Char du fonds de son maquis :
Le poète, conservateur des infinis visages du vivants.
08:24 Publié dans René Char | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : char
05/05/2010
Eros architecte
Au détour d'une rue à la vue de tel bâtiment... Sur un sentier de montagne en apportant sa pierre à l'édification d'un cairn... Au bout du bout d'une île au pied d'un phare... A l'heure de quelque glorieux réveil matinal... on approuvera Bernard Noël et cette pensée, et l'on saluera la parution du premier volume de ses oeuvres complètes chez POL, Les plumes d'Eros.
toute érection
fait au ciel
une portée de songes
07:55 Publié dans Bernard Noël | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : noël
04/05/2010
Temps d'Orient
Il appelle et vous rappelle qu'un mois déjà depuis la dernière visite, les dernières nouvelles... Et l'on se retrouve encore une fois perdu dans l'invraisemblable défilé tourbilon des jours qui deviennent semaines etc... Se tourner alors vers l'Orient pour comprendre et penser le temps autrement avec Philipe Forest :
Toute sagesse dit : le temps est un fleuve.
Mais en réalité, personne ne se tient jamais sur
les berges du monde pour en contempler le cours.
et Issa :
Comme le poisson -
ignorant de l'océan -
l'homme dans le temps
08:37 Publié dans Issa | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : issa, haiku, forest