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25/02/2013

Sans feu ni fin

Et lorsque le "pourquoi" du poème, de l'écrit,  n'a plus de sens, il faut alors savoir remuer cette béance et mettre le corps en mouvement. Le confronter à un ailleurs, sans forcément chercher le lointain. L'épurer par l'ouïe, la vue et l'odorat. L'endurcir par le minéral, le soumettre au végétal.

L'enseignement est de Jacques Dupin et c'est un nouvel extrait de Fragmes.

Dehors, marchant, toute une nuit, sans écrire, froissant l'herbe et martelant la terre obscure... entre le hibou dont le hululement se rapproche, et les étoiles qui respirent... pénétrant le couvert, errant parmi les chênes, sifflant le serpent qui dort... une nuit d'empreintes, de feuilles, d'odeurs et de froissements... allant seul, nulle part, sans feu ni fin, dans l'improvisation de la trace et de la fatigue.

18/02/2013

Entretenir la main

Faire poésie a depuis un certain temps un «on ne sait quoi » de déphasé. Les poètes contemporains en sont bien conscients, d’où abondance, dans leurs œuvres, d’interrogations sur le pourquoi de l’écrit, le pourquoi du poème. Antoine Emaz mêle une âme inquiète à une plume tranchante. Sa réponse lucide et vacillante livre un émoi pénétrant.

Ecrire, comme si quelquechose devait se jouer un jour ou l'autre à cet endroit.

Alors, on se maintient, on entretient la main. A certains moments, on ne peut davantage.

Quand cela se prolonge, on finit par se demander si ce n'est pas cela, écrire, au vrai.

Dans la nuit, la sonnerie grelotante et persistante annonce un train qu'on ne voit pas.

L'inconsistance : on ne sort pas du pas encore, de l'inexact. On se demande si c'est possible.

Vision triste. On vit, mais au fond, ça n'avance ni ne recule, ça reste là. Ca remue seulement un peu pour, en définitive, rester là.

08/02/2013

Regarder la mer

Sur une plage, sur une grève, au bout d'une jetée de port, sur un ponton, au bord d'une falaise, sur une crique de galet, sur la lande, vous l'avez peut-être aperçu, cet être figé dans un dialogue muet et intense avec l'horizon et les flots.

Dans Une histoire de bleu, livre immense, Jean-Michel Maulpoix l'a également croisé et en fait cet émouvant portrait.

L'un d'entre nous parfois se tient debout près de la mer.

Il demeure là longtemps, fixant le bleu, immobile et raide comme dans une église, ne sachant rien de ce qui pèse sur ses épaules et le retient, si frêle, médusé par le large. Il se souvient peut-être de ce qui n'a jamais eu lieu. Il traverse à la nage sa propre vie. Il palpe ses contours. Il explore ses lointains. Il laisse en lui se déplier la mer : elle croît à la mesure de son désir, elle s'enivre de son chagrin, cogne comme un bâton d'aveugle, et le conduit sans hâte là où le ciel a seul le dernier mot, où personne ne peut plus rien dire, où nulle touffe d'herbe, nulle idée ne pousse, où la tête rend un son creux après avoir craché son âme.