21/12/2009
Une pause
Vox Poetik migre quelques jours vers des lieux aérés, vent sur les vagues et souffle des montagnes, et part sur cette pensée d'André Hardellet qui aura valeur de programme de travail.
Nous avons tous du génie dans la position horizontale et les yeux clos. Quelles foulées d'une inimitable aisance sur la cendrée du sommeil !
21:50 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hardellet
20/12/2009
Le reste d'un poème
Ce n'est pas malice que de vouloir citer ce poète-ci en cette période-là mais juste saluer l'une des voix les plus intenses de la littérature française de notre temps. Une voix juste qui baratte la langue, intime et universelle. Essentielle... C'est dans Le reste d'un poème de Bernard Noël que l'on peut lire ce qui suit :
on sent le pas du temps sur la peau des yeux
les os là-bas font des signes secs et blancs
puis le jour se lève au bout des lèvres bleues
une rosée verbale humecte la place
syllabes syllabes qui pourraient tout dire
et qui font seulement des plis sur la langue
on a encore frôlé la solution
19:03 Publié dans Bernard Noël | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : noël
18/12/2009
Rien ni personne
Entre 1930 et 1935 Fernando Pessoa s'est aussi appelé Fernando Pessoa lorsqu'il composait les pièces du Cancioneiro. Au Portugal comme ailleurs l'époque ne se prêtait guère aux excès de joie et d'optimisme béat, mais à sa manière, cruelle, lucide et dynamique, Pessoa sous son nom propre fit culminer le désenchantement de soi et du monde à des sommets où peu surent le rejoindre. Pessoa ou le grand témoin d'un temps qui fit voler l'Homme en éclats de ténèbres... et ce temps n'est pas fini.
N'espère rien, car rien excepté rien
ne s'obtient par l'espoir
et tu ressemblerais à un homme lançant
des regards sur la route
dans l'espoir que quelqu'un viendra
sous prétexte que la route
est faite pour que l'on y marche
08:20 Publié dans Fernando Pessoa | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pessoa
17/12/2009
Tache d'encre
On a souvenir de quelques heures passées à croire passionnément à la toute puissance suprême du poème, à se voir intense au miroir de la page, puis le glacis, puis l'évidence... et le futé Edmond jabès qui passant par là, ne manquait pas d'en rajouter :
Il y a des êtres qui, leur vie durant, sont demeurés la tache d'encre au bout d'une phrase inachevée.
08:05 Publié dans Edmond Jabès | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jabès
14/12/2009
Le sel de la langue
C'est un livre jaune qui attendait son heure sur les rayons de la bibliothèque. Pages maintes fois tournées pourtant sans que rien n'achoppe. Et puis un soir il revient en main et révèle dans sa dernière page le sens de son existence alors si discrète. Il donne la raison d'être de ces notes et, pour une fois, ce n'est pas un citation qui sera l'écho de ces mots mais un poème entier.
Ecoute, écoute : j'ai encore
une chose à dire.
Ce n'est pas important, je sais, ça ne va pas
sauver le monde, ni changer
la vie de personne - mais qui
est aujourd'hui capable de sauver le monde
ou seulement de changer le sens
de la vie de quelqu'un ?
Ecoute-moi, je ne serai pas long.
C'est peu de chose, comme la bruine
qui commence lentement à venir.
Ce sont trois, quatre mots, guère
davantage. Des mots que je veux te confier.
Pour que ne s'éteigne pas leur feu,
leur feu bref.
Des mots que j'ai beaucoup aimés,
que j'aimerai peut-être encore.
Ils sont la demeure, le sel de la langue.
Eugenio de Andrade
21:51 Publié dans Eugénio de Andrade, Portugal | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : eugenio de andrade
13/12/2009
L'homme à tête de chou
Au théâtre du Rond-Point, Bashung chante Gainsbourg mis en mouvements par Gallotta : tragique, érotique et poignant. Au cours du spectacle, face aux corps qui s'empoignent et se rejettent, cette phrase de Michaux se glisse derrière les voix des deux grands absents :
Hommes et femmes au bord de l'abîme de l'amour, ne se rencontrant jamais.
17:44 Publié dans Henri Michaux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : michaux
12/12/2009
Trop
Vous avez dans vos poches de sobres et merveilleux objets technologiques emplis de mille milllions d'informations sur tout et son contraire. Vous circulez dans les rues de villes surchargées de vitrines. Vous vous perdez dans les dédales des liens hypertextes. La tête vous tourne. Vous suffoquez... et vous pourriez penser à Marcel Cohen qui sur un sujet analogue écrivait déjà ceci en 1969 :
Je me dis alors qu'il y a sur terre trop de villes, trop de fleuves, trop de nuances de sourire, trop de femmes, trop d'insectes, trop de poèmes, trop de pierres, trop de fleurs. Et je suis effrayé comme un enfant dans l'obscurité.
14:17 Publié dans Marcel Cohen | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cohen
09/12/2009
Vivre mode d'emploi (selon Perros)
A chaque semaine son Perros. Cette fois retour vers Une vie ordinaire et cet extrait que l'on aurait envie d'imprimer par millions et de jeter sur la voie publique.
Je soutiens
qu'on peut très bien vivre sans rien
pourvu que le matin nous trouve
prêt à reprendre l'aventure
C'est quand on respire en arrière
que le malheur creuse son trou
21:26 Publié dans Georges Perros | Lien permanent | Commentaires (1)
07/12/2009
Contribution poétique et portugaise à un débat idiot et français
Je suis moi-même ma patrie. La patrie
qui me fait écrire est la langue dans laquelle le hasard des
générations
m'a fait naître. Et celle qui me fait agir et vivre est cette
rage que m'inspire le manque d'humanité de ce monde-ci
puisque je ne crois pas à l'autre, et que la seule chose
que je voudrais,
c'est qu'il soit autre que ce qu'il est.
Jorge de Sena, in Peregrinatio ad loca infecta - 1969
22:39 Publié dans Jorge de Sena, Portugal | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jorge de sena
05/12/2009
Artaud le supplicié
Soulèvements, une exposition conçue par Jean-Jacques Lebel à La Maison Rouge, Paris. Au sous-sol, une salle consacrée à Antonin Artaud. Reconstitution de la chambre de l'asile de Rodez. Au mur une radiographie de la colonne vertébrale d'Antonin Artaud. Ce commentaire : ...brisée lors d'une séance d'électrochoc... En 1946, Artaud se confie à Jacques Prevel :
Il y a un homme qui aurait besoin d'un corps qu'il n'a pas quand il y a tout ceux-là qui ne font rien. Tous ceux qui avaient quelque chose dans le ventre ont vécu en suppliciés ou se sont suicidés. C'étaient les mêmes il y a deux mille ans. Il faut mille milliards de siècles pour revivre.
21:36 Publié dans Antonin Artaud | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : artaud