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09/08/2013

Montagnes

L'intimité qui se noue avec la voix d'un poète passe aussi par le partage d'une terre commune. Qui va sur les sentiers des montagnes ne saurait être insensible à ces fragments de Philippe Jaccottet, et au retour dans la plaine, c'est encore un peu de l'air des cimes qui passe dans le regard et sur nos corps.

La parfaite douceur est figurée au loin

à la limite entre les montagnes et l'air :

distance, longue étincelle

qui déchire, qui affine


***

Dans l'étendue

plus rien que des montagnes miroitantes

Plus rien que d'ardents regards

qui se croisent

Merles et ramiers


***

Et des nuages très haut dans l'air bleu

qui sont des boucles de glace

la buée de la voix

que l'on écoute à jamais tue

14/03/2013

Jaccottet lit Char

Quand un poète se fait lecteur d'un de ses confrères, il est juste inutile d'ajouter un quelconque commentaire. La parole est donc à Jaccottet citant Char.

A partir de l'incertitude avancer tout de même. Rien d'acquis, car tout acquis ne serait-il pas paralysie ? L'incertitude est le moteur, l'ombre est la source. Je marche faute de lieu, je parle faute de savoir, preuve que je ne suis pas encore mort. Bégayant, je ne suis pas encore terrassé. Ce que j'ai fait ne me sert à rien, même si ce fut approuvé, tenu pour une étape accomplie. Magicien de l'insécurité, le poète..., juste parole de Char. Si je respire, c'est que je ne sais toujours rien. Terre mouvante, horrible, exquise, dit encore Char. Ne rien expliquer, mais prononcer juste.

10/12/2012

L'astre hors du fourreau

La plus belle posture du poète, sa superbe jamais égalée ? C'est peut-être celle de Philippe Jaccottet dans cette page : défendre un territoire, les mots, comme on défendrait son foyer face aux ténèbres douteuses qui envahissent si souvent notre monde; un foyer de lumière qu'il lui appartient de créer, une source qu'il nous appartient d'entretenir.

Bonheur désespéré des mots, défense désespérée de l'impossible, de ce que tout contredit, nie, mine ou foudroie. A chaque instant c'est comme la première et la dernière parole, le premier et le dernier poème, embarrassé, grave, sans vraisemblance et sans force, fragilité têtue, fontaine persévérante; encore une fois au soir son bruit contre la mort, la veulerie, la sottise; encore une fois sa fraîcheur, sa limpidité contre la bave. Encore une fois l'astre hors du fourreau.

13/11/2012

La terre natale

Marcher, écrire, ce n'est que retisser les échos d'un dialogue perdu. L'expérience relatée ici par Philippe Jaccottet est fondamentale : elle est matrice, elle est souveraine. Tout un chacun peut la tenter et aucun échec en la matière n'est répertorié.

Marcher dans les chemins presque effacés, qui vont se perdre; par endroits, c'est comme si l'on marchait sur des braises qui ne brûleraient pas. Avec pour toute compagnie, dans les endroits encore ensoleillés, des papillons.

Marcher. Les chemins parlent, ou peu s'en faut, en se perdant.

*

Il arrive que l'on croie marcher dans un espace autre, inconnu, qui serait pourtant la terre natale.

10/10/2012

Braises

Philippe Jaccottet rejoint la table et y pose sa propre anthologie : heureux privilège de la vieillesse lucide que de pouvoir se retourner sur soi, contempler le chemin de mots et y faire son choix. Le titre est merveilleux, L'encre serait de l'ombre, et la matière, dense. Comme il est tard, voilà un des poèmes les plus brefs mais qui rappellera que le chemin, parfois, est douloureux...

Je marche

dans un jardin de braises fraîches

sous leur abri de feuilles

 

un charbon ardent sur la bouche

23/04/2012

Pensées sous les nuages (II)

Après tout, pour certains, la poésie n'est peut-être quel le seul récit possible d'une vie. Le commentaire, en filigranes, des silences d'une vie. Une porte ouverte, l'unique, insufflant la parole aux mutiques, aux taiseux, la transformant en rais de lumière. De ces montagnes, Philippe Jaccottet façonne cette porte avec un art consommé de la mesure.

Cette montagne a son double dans mon coeur.

Je m'adosse à son ombre,

je recueille dans mes mains son silence

afin qu'il gagne en moi et hors de moi,

qu'il s'étende, qu'il apaise et purifie.

Me voici vêtu d'elle comme d'un manteau.

Mais plus puissante, dirait-on, que les montagnes

et toute lame blanche sortie de leur forge,

la frêle clef du sourire.

12/04/2012

Pensées sous les nuages (I)

Nuit dans la nuit, le seuil du silence n'autorise qu'un trouble, qu'une onde, qu'une voix. Celle de Philippe Jaccottet par exemple. Elle tient, elle soutient, elle maintient. Après elle, rien... et c'est déjà beaucoup.

Qu'on me le montre, celui qui aurait conquis la certitude

et qui rayonnerait à partir de là dans la paix

comme une montagne qui s'éteint la dernière

et ne frémit jamais sous la pesée de la nuit.

27/12/2011

L'huile dorée du soir

Le voyageur à la petite semaine expérimente désormais par trop souvent cette sensation : il y a une poignée d'heures, c'était le Sud, une lumière insensée, l'hiver renversé, le vent odorant, une mer d'arbres pour embarcation de roches... et maintenant, la ville, la rue, l'humide... et de penser à Philippe Jaccottet :

L'aurais-je donc inventé, le pinceau du couchant

sur la toile rugueuse de la terre

l'huile dorée du soir sur les prairies et sur les bois ?

C'était pourtant comme la lampe sur la table avec le pain.

05/10/2010

Creuser la brume

Lisant, relisant ces poètes, ce que l'on cherche n'a pas de nom défini... Ce que l'on trouve en porte parfois un : apaisement, soulagement... Philippe Jaccottet dans Le mot joie donne une superbe définition de cette quête :

Je suis comme quelqu'un qui creuse dans la brume

à la recherche de ce qui échappe à la brume

pour avoir entendu un peu plus loin des pas

et des paroles entre des passants échangées...

07/09/2010

Que l'enfant dorme...

A l'orée du jour, parfois, un regard sur les enfants endormis. Une émotion incomparable mâtinée d'une incertaine angoisse... sensations retrouvées dans ce poème de Philippe Jaccottet, jamais cité ici mais accueilli avec ferveur.

Arrête-toi, enfant : tes yeux ne sont pas faits pour voir cela,

fermes-les encore un moment, dors en aveugle,

oh encore un moment ignore, et que tes yeux

restent pareils au ciel naïf.

 

Recueille les oiseaux et la lumière

un temps encore,

toi qui grandis pareille à un tremble scintillant,

 

ou recule - si tu ne veux pas crier de peur

sous le harpon.