11/11/2010
Mouvements
En 1951, Henri Michaux publie Mouvements, fascinant ballet de signes à l'encre noire, bouleversant portrait d'une humanité meurtrie. Quelques pages écrites au milieu du recueil tiennent lieu de commentaire. Une explication autant qu'une confession, d'une acide modernité, conclue par ces lignes :
Signes pour retrouver le don des langues
la sienne au moins, que, sinon soi, qui la parlera ?
Ecriture directe enfin pour le dévidement des formes
pour le soulagement, le désencombrement des images
dont la place publique-cerveau est en ce temps particulièrement engorgée
Faute d'aura, au moins éparpillons nos effluves.
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20/09/2010
Courir avec Michaux
Ce n'est qu'une parade comme une autre : courant, on cherche à remplir son esprit tandis que le souffle s'égare, tandis que les jambes broient le macadam... On se répète comme mantra quelques phrases pour tenir... quelques poteaux d'angle auxquels s'appuyer...
Faute de soleil, sache mûrir dans la glace.
Si tu traces une route, attention, tu auras du mal à revenir à l'étendue.
Si tu es un homme appelé à échouer, n'échoue pas toutefois n'importe comment.
21:26 Publié dans Henri Michaux | Lien permanent | Commentaires (0)
05/09/2010
Aimons nos défauts avec Henri Michaux
La poésie peut également servir de béquille et de miroir régénérant ! Trois exemples extraits de Poteaux d'angle.
Avec tes défauts, pas de hâte. Ne va pas à la légère les corriger. Qu'irais-tu mettre à la place ?
Garde ta mauvaise mémoire. Elle a sa raison d'être, sans doute.
Garde intacte ta faiblesse. Ne cherche pas à acquérir des forces, de celles surtout qui ne sont pas pour toi, qui ne te sont pas destinées, dont la nature te préservait, te préparant à autre chose.
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09/07/2010
Coups d'arrêt
Dans la veine des aphorismes de Poteaux d'angle, Michaux livre, au crépuscule de sa vie mais au zénith de son acuité, quelques Coups d'arrêt :
Dans le bas de la mémoire, le ciel. Des restes. Des restes de lumière dont on ne sait que faire.
Et toujours plus bas chercher dans la citerne du corps.
Le solitaire sera éclaboussé par tous.
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05/06/2010
Michaux ne défile pas
Michaux ou l'art de dire non pour s'affirmer, de ne pas défiler sans se défiler, et de voyager autrement. Trois nouveaux extraits de Poteaux d'angle, inépuisable source de réflexion.
Tu laisses quelqu'un nager en toi, aménager en toi, faire du plâtre en toi et tu veux encore être toi-même !
Pour se délivrer d'incertitude, ils défilent pensant qu'ils déferlent, coeur d'enfants dans un corps de foule. Et toi ?
Non, non, pas acquérir. Voyager pour t'appauvrir. Voilà ce dont tu as besoin.
10:49 Publié dans Henri Michaux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : michaux
13/05/2010
Michaux le combattant
Non, ce n'est pas une obsession... Juste l'hommage permanent à celui qui, durant 60 ans d'exercice poétique, échaffauda un modéle de pensée valide hier, nécessaire aujourd'hui, vital demain... Jamais, peut-être artiste de lettres, ne fut plus libre des dogmes que Michaux, jamais on n'écrivit manuel de combat par et pour l'esprit aussi incisif que Poteaux d'angle.
C'est à un combat sans corps qu'il faut te préparer, tel que tu puisses faire front en tout cas, combat abstrait qui, au contraire des autres, s'apprend par la rêverie.
Quoi qu'il t'arrive, ne te laisse jamais aller - faute suprême - à te croire maître, même pas un maître à mal penser. Il te reste beaucoup à faire, énormément, presque tout. La mort cueillera un fruit encore vert.
Tu peux être tranquille. Il reste du limpide en toi. En une seule vie tu n'as pas pu tout souiller.
12:45 Publié dans Henri Michaux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : michaux
25/04/2010
Michaux le Sage
Il serait fou, inconvenant même, de rattacher Henri Michaux à quelque chapelle que ce soit. Toutefois, ce grand connaisseur de l'Orient laissa infuser en lui certaines lectures marquantes des préceptes taoïstes et l'on retrouve en 1981 dans Poteaux d'angle les échos, sardoniques et malicieux, de l'étrange sagesse dont il était empreint.
Garde ce qu'il faut d'ectoplasme pour paraître "leur" contemporain.
Ne te livre pas comme un paquet ficelé. Ris avec tes rires; crie avec tes rires.
Toi, de ton côté, n'interromps jamais un rêveur. Comment ne te haïrait-il pas ?
08:09 Publié dans Henri Michaux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : michaux
08/04/2010
Tranches de savoir
Sans que cela fut mentionné - erreur - nombre de citations d'Henri Michaux déjà publiées dans Vox Poetik étaient extraites des Tranches de savoir que l'on trouve en collection Poésie/Gallimard dans le volume Face aux verrous. Précisions plus que nécessaires car cet ensemble d'aphorismes et de courts textes est le portrait le plus juste que Michaux fit de lui-même et qu'à ce titre, et pour qui veut découvrir son oeuvre, il est juste indispensable ! C'est là que l'on trouve ces quelques lignes qui sonnent comme des professions de foi :
Attention au bourgeonnement ! Ecrire plutôt pour court-circuiter.
Ne désespérez jamais. Faites infuser davantage.
Le désert n'ayant pas donné de concurrent au sable, grande est la paix du désert.
20:52 Publié dans Henri Michaux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : michaux
15/03/2010
Chiens et loups
A qui se demanderait, pourquoi la poésie ? , il y a bien des réponses mais la lecture d'Henri Michaux fait toujours éclater l'une des raisons les plus essentielles : la poésie est le miroir le plus lucide de la condition humaine, elle en est aussi souvent le commentaire politique le plus implacable.
Le sang du silence
coule constamment
Entre de hauts murs
on brouette ses soucis
le temps d'être au monde
d'être parricide
fratricide
Entre deux âges
on hisse ses couleurs
Ne peut plus changer, le courant.
La nappe qui ne conduit nulle part
vient de partout
Dans la tête
une divinité veuve
A tous les coins du monde
des chiens parcourent les steppesà loups
pour en faire des chiens.
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19/02/2010
Labyrinthes
Le recueil A distance paru en 1997 a offert aux lecteurs d'Henri Michaux un rêve éveillé : plus d'une centaine de pages de textes rares, seulement publiés en revues et jamais repris ailleurs, ou carrément inédits. L'occasion de constater l'implacable exigence de l'auteur qui laissait de côté des poèmes d'une rare qualité et de vérifier son extraordinaire don d'observation d'un monde invraisemblable, le nôtre.
Des pistons comptent les moments, les moments à prendre, les moments perdus, les moments qu'il faut attraper, consommer sur le champ sans cesse.
A perte de vue des entraîneurs, des moniteurs, des préposés aux nouvelles commentent.
Et on entend indéfiniment des dénombrements.
Dégagements. Inutiles dégagements.
Les nouvelles progressions conduisent à de nouveaux labyrinthes. Règne des labyrinthes.
Des êtres moitié homme moitié chien, à qui on a appris à parler, répètent des mots avec application.
22:24 Publié dans Henri Michaux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : michaux