26/05/2015
Méditation
L'un des tous premiers jours d'Octobre 1984 Henri Michaux rendit à son éditeur le manuscrit de Déplacements Dégagements et le 19 du même mois son coeur lui fit défaut. Les derniers mots édités de son oeuvre furent ainsi ceux de Postures, quatre poèmes autour du corps et de la méditation. Entre sereine mélancolie et dernière balade au bord des gouffres, l'ensemble en impose par son acuité et donne si furieusement envie d'avoir quatre-vingt-cinq ans que cela en est presque inquiétant. Extrait de Posture privilégiée.
Sous la tête,
les bras interdits de mouvements,
interdits d'interventions
Dans la tête
quiétude, harmonie, extension
Au bout le corps repose
Rien ne bouge
Plus de battues dans les bois
Plus de clairières
Soustraction
Abstinence règne
... savoir se laisser déposséder
L'esprit n'est plus détourné;
n'est plus offert aux distractions
n'en rencontre plus l'envie
Bain sans eau
Des provinces sans fin du corps allongé
on est sans nouvelles
Par-dessus un immense fleuve,
un pont s'est établi
d'une seule arche l'enjambant,
d'une arche unique se perdant au loin.
07:20 Publié dans Henri Michaux | Lien permanent | Commentaires (0)
01/05/2015
Une brassée d'air
Chaque matin, un poème. Affirmation de la lumière au revers de la nuit. La vie toujours neuve, en trois lignes ou trois pages posées sur la peau du jour.
Les compagnons de l'aube sont toujours moins nombreux, toujours plus intimes. Chaque saison les renforce et l'on se reconnaît jusque dans la buée de leur oeil. Pesée des mots qui deviennent nôtres.
Philippe Jaccottet, première Notes nocturnes dans le recueil Après beaucoup d'années.
Adossé, vermoulu,
à ce pilier à peine moins précaire,
j'aimerais ne plus délivrer que des paroles
qui éparpillent les toits
(car même un toit de paille pèse trop
s'il vous sépare du rucher nocturne).
Je ne veux plus des labyrinthes,
même pas d'une porte :
juste un poteau d'angle
et une brassée d'air.
Déliés les pieds, délié l'esprit,
libres, mains et regards :
alors le deuil nocturne
est entamé par en bas.
10:18 Publié dans Philippe Jaccottet | Lien permanent | Commentaires (0)