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31/03/2012

Coquille d'escargot et labyrinthe

Dévoiler l'invisible, fouiller les interstices, tamiser le sombre, rapporter le sourd récit des insomnies, inscrire les sensations dans la mémoire, c'est là le dernier pouvoir du poète, son illusion secrète et vitale. Nous rendre intelligible à nous-mêmes.

Parfois la gloire le rattrape, le fait Nobel et le rend universel, comme Tomas Tranströmer. On le découvre, on entend sa voix, on aime ce qu'elle dit, une nouvelle pièce du puzzle est trouvée...

Il arrive, mais rarement

que l'un de nous voie vraiment l'autre :

quelqu'un apparaît un instant

comme sur une photographie, mais plus distinctement,

avec à l'arrière-plan,

quelque chose de plus grand que son ombre.

Il se tient debout devant une montagne.

C'est davantage une coquille d'escargot qu'une montagne.

C'est davantage une maison qu'une coquille d'escargot.

Ce n'est pas une maison mais cela a beaucoup de chambres.

C'est indistinct, mais subjuguant.

Il naît dans cette coquille, et elle naît en lui.

C'est sa vie, c'est son labyrinthe.

25/03/2012

Ciao Tabucchi...

Cette journée baignée de soleil ne pouvait donc être parfaite... Une mauvaise ombre s'est faufilée dans les rues... Antonio Tabucchi est parti, il n'existe désormais plus que dans cette rangée de petits volumes serrés sur l'étagère de la bibliothèque...  Les hommages et les commentaires sur son oeuvre ne manqueront certainement pas; ici, simplement il faut savoir qu'il est celui qui a présenté Fernando Pessoa à l'auteur de ces lignes, qui l'en remercie une dernière fois, profondément, et avec émotion...

Je descends et je me mets à marcher, les mains dans les poches, mon coeur bat, je ne sais pas pourquoi, peut-être est-ce l'effet d'une musique boîteuse qui sort de ce café, sans doute d'un vieux gramophone, c'est toujours une valse en fa ou un fado à l'accordéon, je pense : je suis ici et personne ne me connaît, je suis un visage anonyme parmi cette multitude de visages anonymes, je suis ici comme je pourrais être ailleurs, c'est la même chose, et cela me donne une grande peine et le sens d'une liberté belle et superflue, comme un amour refusé.

Extrait d'Anywhere out of the world dans le recueil Petits malentendus sans importance

17/03/2012

L'impossible

Des êtres poétiques inclassables et indispensables sont encore vie : Michel Butel est l'un d'entre eux. Homme de mots, créateur d'espérances, rêveur de papier, il vient d'enfourcher un nouveau cheval de bataille : un journal, L'Impossible, où notre monde, nos vies, les livres, les images, la politique, la poésie vont se chevaucher et se raconter, encore et encore. 20 ans après L'autre journal, Michel Butel est encore en vie et rêve encore : voici son message en guise d'éditorial du numéro 1, un poème... quelle folie, quelle merveille ! Suivons-le !

limpossible.jpgNous vivons sans savoir que nous vivons.

Certains dans des couloirs,

d'autres dans les rues, n'importe où.

...

De nouvelles machines s'installent.

Une folle agitation anime

les pièces perdues pas remplacées.

...

Des parents, des étrangers

s'approchent et disparaissent.

Parfois, il y aurait de quoi pleurer.

...

Un jour quelqu'un est mort,

un autre jour c'est une guerre

ou pire que ça - ou quoi encore ?

...

A travers la vitre au loin,

des cris, des conversations.

Pourtant personne ne parle.

...

Une parole, un mot juste,

un simple jeu suffirait,

une interruption.

...

A nouveau, alors, les nuages,

à nouveau un texte,

à nouveau les gouttes du temps.

06/03/2012

le vide le plus simple

Saison des tribuns, temps des harangues... Paroles, paroles, paroles, murs de paroles... Torrent de verbes, tsunami de mots, à rendre sourd... et trop souvent l'intelligence plongée dans la fange... Du fond de la bibliothèque une voix murmure, dense et grave : celle de Louis-René Des Forêts, encore un qui a validé que le peu est l'orfèvre du mieux. Pour l'anecdote, recensons ses poèmes : deux, ni plus ni moins. Ecoutons-le dans cet extrait des Poèmes de Samuel Wood, sa parole est rare, sa parole est d'or.

Quitte le lieu natal qui est le royaume du langage et son enfer.

Renonce à te payer de mots qui ne sont que valeurs fausses,

Cesse de les agiter dans ta tête comme un insomniaque

fait en gémissant le compte et le tour de ses déboires.

Parler aura toujours eu trop ou trop peu de sens,

le temps en est révolu comme s'achève celui

de creuser ces vastes fonds derrière toi

à la recherche d'une souveraineté perdue

qui fut autre chose qu'un rêve de l'esprit.

N'aie pas peur d'avoir peur de regagner le vide le plus simple.