16/07/2019
C'est quoi, poésie ?
Énoncez que votre lecture matinale, pour entrer dans un jour neuf, est uniquement poésie. Observez l'étonnement, voire l'incrédulité, la complicité parfois — soyez humble, ne les prenez pas pour de l'admiration. Puis tentez d'exprimer pourquoi : choisissez vos mots avec soins, selon l'audience, ou rappelez ces vers d'Eugénio de Andrade dans La poésie ne va pas. C'est clair et efficace, vous pouvez le scander, le chanter et le porter en bandoulière.
La poésie ne va pas à la messe,
n'obéit pas à la cloche de sa paroisse,
elle préfère lâcher ses chiens
aux jambes de dieu
et des percepteurs.
Langue de feu du refus,
chemin étroit
et sourd de l'abdication, la poésie
est une espèce d'animal
dans l'obscurité qui récuse la main
qui l'appelle.
Animal solitaire, parfois
ironique, parfois aimable,
patient presque toujours et sans pitié aucune.
La poésie adore
marcher pieds nus dans les sables de l'été.
11:55 Publié dans Eugénio de Andrade | Lien permanent | Commentaires (0)
14/12/2009
Le sel de la langue
C'est un livre jaune qui attendait son heure sur les rayons de la bibliothèque. Pages maintes fois tournées pourtant sans que rien n'achoppe. Et puis un soir il revient en main et révèle dans sa dernière page le sens de son existence alors si discrète. Il donne la raison d'être de ces notes et, pour une fois, ce n'est pas un citation qui sera l'écho de ces mots mais un poème entier.
Ecoute, écoute : j'ai encore
une chose à dire.
Ce n'est pas important, je sais, ça ne va pas
sauver le monde, ni changer
la vie de personne - mais qui
est aujourd'hui capable de sauver le monde
ou seulement de changer le sens
de la vie de quelqu'un ?
Ecoute-moi, je ne serai pas long.
C'est peu de chose, comme la bruine
qui commence lentement à venir.
Ce sont trois, quatre mots, guère
davantage. Des mots que je veux te confier.
Pour que ne s'éteigne pas leur feu,
leur feu bref.
Des mots que j'ai beaucoup aimés,
que j'aimerai peut-être encore.
Ils sont la demeure, le sel de la langue.
Eugenio de Andrade
21:51 Publié dans Eugénio de Andrade, Portugal | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : eugenio de andrade