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31/01/2012

Hamlet, Juarroz et le vent

Juarroz est la seule voix argentine de ces pages. ll y en a d'autres, c'est sûr. D'ailleurs, si Vox Poetik était un journal musical, la voix de Mercedes Sosa envahirait vos oreilles, mais comme il n'est ici question que d'écriture, c'est la voix singulière de Juarroz qui nous donne rendez-vous. Ou comment envoyer Hamlet, et nous avec, errer un peu plus dans une lande métaphysique et poétique.

Etre

et rien de plus.

Jusqu'à ce que se forme un puit en-dessous.

 

Ne pas être

et rien de plus.

Jusqu'à ce que se forme un puits au-dessus.

 

Ensuite,

entre ces deux puits

le vent s'arrêtera un instant.

24/09/2011

Résolution

Voilà, c'est l'automne. Vous êtes donc entrés de plein pied dans ce qu'il est convenu d'appeler la rentrée. Vous êtes emplis de bonnes intentions, vous allez mettre en oeuvre vos résolutions. Vous voulez du changement, vous allez vous faire violence. Roberto Juarroz a peut-être pensé à vous en écrivant cette poésie verticale.

Et puis veiller à ce que se lève

comme un visage sans rictus

la fleur de l'attente,

l'attente de tout,

l'attente de rien,

l'attente de l'attente.

Dès lors sera moins vide

l'espace qu'abandonna l'espoir.

Le geste ouvert de l'attente

est la forme la plus pure de la foi.

28/04/2011

Vertige

Encore une fois quelques secondes de lecture d'un poème de Roberto Juarroz aboutissent à un vertige métaphysique. Une autre réponse possible à la question A quoi sert la poèsie ? : plonger en soi, plonger en l'autre, visiter un espace de pure intelligence.

Nous ne savons pas

quelle est la dernière rencontre avec quelqu'un.

Toutes les rencontres

peuvent être la dernière.

Et toutes les rencontres le sont

même s'il y en a d'autres.

Avec soi-même aussi.

C'est pourquoi le rendez-vous est improbable.

Le rendez-vous regarde le passé.

Et nous créons le passé

parce que seul le passé nous crée.

22/01/2011

La flamme

Vient un instant où il nous faut retrouver la flamme. Cet instant de rien où ce qui est ne semble se révéler que par ce qui fut, où ce qui doit arriver semble ne jamais plus pouvoir advenir. A cet instant Roberto Juarroz a peut-être dédié ce poème :

 

Le poème convoque la fumée

pour allumer la lampe


Les feux éteints

sont le meilleur combustible

pour les feux nouveaux


La flamme ne s'allume

qu'avec son passé.

24/10/2010

Roberto Juarroz, poète "Hors de prix"

La saison est au remise de prix littéraire : titre honorifique pour les uns, affront absolu pour d'autres, et garde-fou économique pour tous, les prix n'ont d'autre intérêt que de mettre en lumière quelques heures ou quelques jours un nom, une oeuvre. C'est toujours bon à prendre... Les poètes ont rarement cet honneur. Vox Poetik répare donc cet erreur et attribue son prix Hors de prix universel. Suivant le regard des jurés du Nobel, nous partons vers l'Amérique latine et le décernons à l'unanimité à Roberto Juarroz, dont nous rappelons ici sa définition de la poésie :

Le poème continu,

l'écriture continue,

le texte qui jamais ne s'achève

et ne s'interrompt jamais,

le texte qui équivaut à être.

 

La vie se convertit en un forme d'écriture

et chaque chose est une lettre,

un signe de ponctuation,

l'inflexion d'une phrase.

24/08/2010

Le dernier jour

C'est un corps à terre rue Montholon. Un corps recouvert d'un drap. Il y a une chaussure sur la chaussée, une perruque sur le trottoir. Des pompiers, la police. On n'en saura pas plus. On sait l'essentiel, le dernier jour, on sait la terreur et l'on pense à Roberto Juarroz...

Le jour où sans le savoir

nous faisons une chose pour la dernière fois

- regarder une étoile,

passer une porte

aimer quelqu'un,

écouter une voix -

si quelque chose nous prévenait

que jamais nous n'allons la refaire,

la vie probablement s'arrêterait

comme un pantin sans enfant ni ressort.

03/07/2010

Une pensée

On aura laissé filer un peu de temps pour attendre qu'un moment d'absence passe. Et c'est chez Roberto Juarroz que l'on trouve le ressort pour dire un petit peu de l'indicible de nos vies...

La mort parfois nous frôle les cheveux,

nous dépeigne

et n'entre pas.

Est-ce une grande pensée qui l'arrête ?

Ou peut-être pensons-nous

quelque chose de plus grand que la pensée même ?

 

Et ceci encore, dans un autre poème :

Peut-être resterons-nous fixés sur une pensée,

la pensant pour toujours.

26/05/2010

Le sauveur des taiseux

Dans l'une de ses premières Poésies verticales, Roberto Juarroz s'est institué Saint-Patron des taciturnes, et tous les taiseux du monde au grand coeur peuvent le remercier.

Il est des paroles que nous ne disons pas

et que nous mettons sans dire dans les choses.

Les choses les gardent

et un jour nous répondent avec elles,

et nous sauvent le monde,

comme un amour secret

aux deux extrêmes duquel

il n'est qu'une seule entrée.

20:59 Publié dans Roberto Juarroz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : juarroz

06/03/2010

Identité poétique

Alors qu'un débat national et malheureux s'est éteint et que d'autres campagnes envahissent nos murs, mettons à nouveau à contribution un poète qui a traité avec plus de bonheur dans sa forme, lui, une certaine idée de notre identité la plus intime. Roberto Juarroz dans l'une des ces Poésies verticales.

Nous nous sentons parfois

enfin installés sur la terre.

Elle semble être notre maison.

Et nous oublions pour un moment

nos pittoresques accoutrements

d'être destinés à l'exil.

20:11 Publié dans Roberto Juarroz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : juarroz

28/02/2010

Insomnie

Les causes d'une insomnie peuvent être multiples. Celle-ci, avancée par Roberto Juarroz, n'a pas valeur universelle mais résonnera peut-être avec douceur en certains d'entre vous.

Je me suis réveillé trop tôt

et j'ai commencé à penser à l'éternel,

non pas à la grande éternité des prières

mais aux petites éternités oubliées.


La part du fleuve qui ne coule pas,

ce qui toujours se tait en la ville,

le lieu qui ne dort pas en ton corps endormi,

ce qui ne veille pas en mon corps éveillé,


Ainsi j'ai compris que les petites éternités

sont préférables à la grande éternité.

Et je n'ai pu me rendormir.

20:14 Publié dans Roberto Juarroz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : juarroz