29/01/2013
Membrane
Et la poésie après tout, avant tout, pourrait n'être que cette membrane qui nous sépare, nous protège de l'univers, du réel. Une poche d'absence, une niche de présence. Mais parce que faite de la même matière que cet univers - émotion, affection, infection - elle nous en permet une compréhension plus fine, quasi sensuelle.
Mais ceci n'est peut-être, après tout, avant tout, que la vérité d'un seul poème, Struga de Bernard Noël par exemple...
qu'est-ce que la poésie des langues jetées
du haut d'un pont trois rangs de bouches battantes
de la nuit et des jets de lumière blanche
quelques petits feux au bout des jeunes filles
un torrent bordé de bras qui brassent l'air
les fusées d'une fête où les mots explosent
pétards projetés plus loin que leur portée
métamorphose de matière verbale
une pentecôte a lieu dans chaque oreille
un même remous de parole émouvante
où de la tête au coeur le son devient sens
18:13 Publié dans Bernard Noël | Lien permanent | Commentaires (0)
23/10/2012
Généalogie du verbe
Vous regardez une rue inondée de soleil, vous parlez dans le silence, vous arpentez votre mémoire, vous maintenez votre regard dans les contreforts de cette mémoire, vous cherchez parfois vos mots... Bernard Noël dans La chute des temps a parcouru ce même chemin :
tout ce que nous disons est l'écho
d'un mot passé d'un mot
qui voudrait achever aujourd'hui même
une chose autrefois commencée
nous voyons les mêmes étoiles que les morts
et l'odeur qui monte de la terre est le fantôme
de toutes ses fleurs
18:57 Publié dans Bernard Noël | Lien permanent | Commentaires (0)
05/04/2012
Poème : phénix d'air
En 1997, Bernard Noël publie Le passant d'Athos long poème-récit d'un séjour entre ciel et terre dans la presqu'île théocratique d'Athos. Chapelet de monastères et de falaises, horizon bleu Egée, lieu vide et plein à la fois, propice à la réflexion. Ce qui est alors pensé, écrit, n'en a que plus de valeur. Ainsi cette définition du poème que l'on gardera en poche pour la ressortir à qui demanderait : "à quoi bon un poème ?"
le poème se fout de l'égalité
des rayons du cercle ou que deux plus deux fassent
fatalement quatre il est d'ailleurs le seul
espace vital où la loi devient folle
mange l'irréversible et retourne la mort
il n'est tel qu'en lui-même que hors de lui
devenu souffle en tête et buée verbale
phénix d'air toujours naissant sur quelque lèvre
20:49 Publié dans Bernard Noël | Lien permanent | Commentaires (0)
15/10/2011
On ne sait pas
Sait-on ce qu'un poème réveille en nous... Sait-on l'ombre ou la lumière nichées entre les lignes, ce faisceau qui se glisse en nous... Sait-on les liens qui régissent cet élan... En ordre ou en désordre, soudain des mots se révèlent... et tout ce que l'on peut dire c'est que l'on ne sait pas pourquoi... Bernard Noël a écrit l'un de ces poèmes
la vie est la trace
de la vie
la moelle des yeux
s'allume au bonheur
tout est là
comme un mot
sur la langue
22:57 Publié dans Bernard Noël | Lien permanent | Commentaires (0)
21/08/2011
chant de l'aube
Une aube d'été en forêt. Mille éclats de verts éclaboussent la rétine, irréel jeu entre le soleil, l'air et les arbres. Une beauté quasi effrayante... et ces mots de Bernard Noël qui reviennent en mémoire :
mais le regard
est l'eau
où le monde
se noie
et
nous avons soif
dans la lumière
11:52 Publié dans Bernard Noël | Lien permanent | Commentaires (0)
06/05/2011
La soif de savoir
A tous les autoditactes, à toutes celles et ceux qui chaque jour ont à coeur de savoir, de comprendre, de connaître, pour ne pas subir, pour ne pas périr, à vous tous Bernard Noël a écrit ces mots en 1954 :
moi
qui chaque jour creuse sous ma peau
je n'ai soif
ni de vérité ni de bonheur ni de nom
mais de la source de cette soif
(...)
je me souviens
et quelque chose fait le noir
pour développer ce moment
où le corps suait de la pensée
où la pensée démoulait le corps
10:06 Publié dans Bernard Noël | Lien permanent | Commentaires (0)
13/09/2010
Bernard Noël : genèse
L'extrême exigence de certaines langues poétiques réduit à peu de chose les termes de la rencontre entre un poète et son lecteur. Il suffit d'une ligne ou deux, de quelques mots qui foudroient. On se glisse dans les blancs de la page et cela dure une vie. Avec Bernard Noël ce fut ce poème extrait de Face du silence :
peut-être eût-il fallu graver sur ces galets
l'empreinte de nos masques
et semer peu à peu
tous nos visages de rechange
la porte était ouverte
mais toujours plus lointaine
on nous disait
l'avenir a la fadeur des steppes
et nous laissions faute de mieux
de grands mots dénudés à l'orée du désert
comme autant d'hermès
pour d'autres voyageurs
21:09 Publié dans Bernard Noël | Lien permanent | Commentaires (0)
05/05/2010
Eros architecte
Au détour d'une rue à la vue de tel bâtiment... Sur un sentier de montagne en apportant sa pierre à l'édification d'un cairn... Au bout du bout d'une île au pied d'un phare... A l'heure de quelque glorieux réveil matinal... on approuvera Bernard Noël et cette pensée, et l'on saluera la parution du premier volume de ses oeuvres complètes chez POL, Les plumes d'Eros.
toute érection
fait au ciel
une portée de songes
07:55 Publié dans Bernard Noël | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : noël
22/03/2010
Une correspondance
Nous sommes en 1960. Bernard Noël écrit pour la première fois à Georges Perros après avoir lu Papiers Collés 1. C'est le début d'une correspondance rare et magnifique, toujours disponible aux précieuses éditions Unes, qui rend encore plus estimable les oeuvres de chacun de ces hommes de lettres.
Il y a une certaine étendue de moi qui s'est trouvée plus vaste après vous avoir lu.
22:16 Publié dans Bernard Noël | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : noël, perros
11/02/2010
Traverser le temps
Bernard Noël est à l'honneur de l'irremplaçable revue Le Matricules des anges (n°110 Février 2010 en vente dans tout ce qui ressemble à une bonne librairie). Vox Poetik en profite pour dire encore une fois que c'est l'un des écrivains, poètes, penseurs les plus essentiels de ce temps. Extrait du Dieu des poètes :
Quiconque s'engage dans l'écriture sent bien que le langage n'est pas toujours la mémoire des choses, mais plus souvent la rumeur d'un monde antelangagier, que nous sommes incapables d'articuler et dont nous traduisons seulement, ici et là, quelques images. D'où notre angoisse au bord d'écrire, puis l'allégresse de le faire parce que, un instant, nous avons traversé le temps.
12:37 Publié dans Bernard Noël | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : noel, matricule des anges